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CHAP. XXV. — OPINIONS ET CARACTÈRE

des malheurs de la vie ? Dans les commentaires nous lisons la prière que voici :

« O dieux, souverains chefs de toutes les choses, accordez-moi cette demande, ce seul gage de bonheur. Les biens matériels, choses passagères et vaines, je ne les considère pas comme dignes de vous et ce n’est pas pour que vous me les accordiez que je vous importune de mes prières. Mais faites que ma réputation, ma sécurité, ma vie ne dépendent jamais de la sentence d’un juge. Si je puis obtenir cela de vous par mes prières, je croirai que je suis comblé de toutes les bonnes choses, que tous les bonheurs que je peux désirer sont mon partage, que ma vie est plus que remplie de tous les plaisirs. Afin d’obtenir cela de vous, je vous implore avec toute l’ardeur et toute la sincérité qui me font attribuer à votre bonté tout ce que je possède, avec tout le zèle qui me fait respecter votre divine volonté et me fait considérer votre pouvoir avec crainte et admiration. »

On croira avec peine que cette prière si bien appropriée au sentiment de Dolet a été la source d’attaques véhémentes. On lui a reproché l’emploi du mot superi au lieu du mot deus, et en se fondant la dessus on a déclaré qu’il s’était montré hérétique et païen, et voici la remarque que fait à ce sujet l’Anglais Jortin, homme généralement très juste et très tolérant, mais qui était effrayé ici par ce mot terrible d’athée : « Ce qu’on peut dire de plus charitable de l’auteur d’une telle prière, c’est qu’il était fou et c’est là probablement la vérité dans cette circonstance. Un travail assidu et constant, des querelles continuelles, de violentes passions, la pauvreté, une série de calamités, un orgueil immense et une vanité extraordinaire avaient aigri son caractère, échauffé son sang et dérangé son esprit[1].» Et un écrivain que Jortin cite[2] avait déjà dit au

  1. Vie d’Érasme, vol. II, p. 68.
  2. Relat. Gotting., vol. III. fasc. I. p. 101.