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ÉTIENNE DOLET

tement et plus courageusement au métier des armes ou aux lettres que l’idée constante et le souvenir de la mort. Je ne dis pas cela parce que je désire mourir avant le temps, car agir ainsi serait contraire à la nature de l’homme, mais parce que je désire conquérir la mort, et, tant que je vivrai, passer ma vie si noblement et si courageusement que je puisse m'assurer l’immortalité soit dans le métier des armes, soit dans le domaine de la littérature. Si ceux qui s’exposent aux dangers de la guerre ou dépensent leur vie en se consacrant trop ardemment à la littérature n’étaient guidés par ce désir et n’étaient soutenus par cette élévation d’esprit, croyez-vous qu’ils agiraient comme ils le font, avec tant d’enthousiasme et tant de grandeur d’âme ? En effet, quoi de mieux fait pour engager un esprit noble à s’assurer l’immortalité de la gloire que de se rappeler constamment, — souvenir agréable pour ceux qui sont immortels, — que cette vie doit se terminer dans un court espace de temps. Qu’est-ce que la mort a pu contre Thémistocle, Epaminondas, Alexandre le Grand, Annibal, César, Pompée, les Scipion, Démosthène, Isocrate, Lysias, Homère, Pindare, Aristophane, Cicéron, Salluste, Plaute, Térence, Virgile, Ovide ? Le pouvoir de la mort disparaît pour les hommes qui sont protégés par les barrières solides de l’immortalité. Toute rapace et toute féroce qu’elle est, que pourra dans l’avenir faire la mort contre Budé, Longueuil, Macrin, Maine, Maurice Scève, Richer, Hugues Salel, Bembo, Sadolet, Vida, Sannazar, Érasme de Rotterdam ou Mélanchthon ? Les œuvres d’hommes aussi remarquables, œuvres vouées à l’immortalité, sont loin des atteintes de la mort et ne périront jamais, mais au contraire la rigueur de la mort et du temps, qui foule au pied toute chose, sera atténuée par les mérites de ces hommes. Aussi l’attente de la mort ne cause de crainte qu’aux esprits faibles, les courageux en ont plus de courage, et, grâce à elle, sont de plus en plus préparés à supporter toutes les peines et tous les dangers. »

L’immortalité que Dolet attendait et à laquelle il croyait du