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CHAP. XXIV. — LA PLACE MAUBERT

rait encore, — on alluma les fagots et l’auteur et ses livres furent consumés.

C’est de cette manière que l’on célébrait autrefois la Saint-Étienne, dans ce bon vieux temps, qu’un parti influent, ayant à sa tête des hommes de haut rang, des hommes à l’esprit cultivé, regrette et voudrait bien voir revenir. Mais ses efforts sont vains heureusement ; quels qu’aient été les excès et les crimes de la Révolution, elle a placé une barrière infranchissable entre les bons vieux temps et le dix-neuvième siècle.

Le récit de l’exécution donné par Florent Junius fut celui que l’Église voulait que le peuple connût. Le fonctionnaire qui avait fourni des renseignements à Junius lui assura qu’au dernier moment Dolet s’était repenti de ses erreurs. La même histoire a été racontée au sujet de Berquin. Le confesseur qui l’accompagnait au bûcher dit à Montius qu’il avait reconnu ses erreurs, ajoutant : «Je ne doute pas que son âme ne partit en paix.» «Je n’en crois pas un mot, «écrivit Érasme, à qui Montius avait mandé la chose. «c’est l’histoire que ces gens ont coutume d’inventer après la mort de leurs victime[1]

Jacques Severt, dans son Anti-Martyrologe[2] raconte une his-

  1. Érasme : Epist, 1060 «On sait l’usage invariable des jugements ecclésiastiques : c’est d'affirmer que le coupable a tout avoué, tout rétracté, qu’il s’est démenti à la mort. Depuis que l’Église n’a plus le chevalet, ni l’estrapade, elle a toujours le confesseur qui suit le patient, bon gré, mal gré, et qui ne manque pas de dire du plus ferme des nôtres : » Il s’est reconnu heureusement, il a abjuré ses folies. C’était un grand misérable ! Mais grâce à Dieu il a fait une très bonne fin. » Michelet : Hist. de France, Renaissance, p. 204.
  2. L’Anti-Martyrologe, ou vérité manifestée contre les histoires des supposés martyrs de la religion prétendue reformée, imprimées à Genève onze fois.Divisé en douze livres, Monstrant la différence des vrais martyres d'avec les faux corporellement exécutés en divers lieux, par M. Jacques Severt, docteur théologal en la Faculté de Paris. Théologal en l’Église de Lyon. Lyon. Rigaud, 1622, in-4° (p. 475) . Je tiens à donner tout au long le titre de ce livre très rare, parce que nulle part je ne l’ai vu cité d’une façon exacte, et bien que, dans presque chaque livre où il est question de Dolet, on rapporte l'histoire du vers en latin qu’il fit en allant au bûcher, je ne trouve pas d'autre écrivain que l’auteur anonyme de l'Histoire abrégée des martyrs français (Amsterdam, P. 1684) qui ait cité l’histoire d’après des sources directes et qui ait jamais vu le livre de Severt.