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CHAP. XXIV. — LA PLACE MAUBERT

La condamnation fut exécutée le jour suivant, le 3 août, jour de l’Invention de saint Étienne, et trente-huitième anniversaire de la naissance de Dolet. Nous avons le bonheur de posséder un récit contemporain de cet événement, mais, malheureusement ce récit n’est pas dû à un témoin oculaire. Le 23 août, un certain Florent Junius communiquait à Herman Læthmatius, doyen de la Faculté de théologie d’Utrecht, un récit qui lui avait été donné par un des fonctionnaires qui assistait à l’exécution[1]. On ne devait évidemment pas s’attendre à ce qu’un athée fût exécuté simplement d’après la condamnation. Affaibli au physique par la torture qu’on lui avait fait subir la veille, le matin même, ou peut-être la veille et le matin, un confesseur devait maintenant le torturer au moral en l’engageant à se repentir et à abjurer publiquement ses erreurs. Quel que fût le résultat, l’Église devait être


    avait toujours violé la loi. Deux fois on l’avait reconnu coupable d’offenses capitales. Deux fois il avait été condamné à mort par les cours de Lyon ; la condamnation, en un cas, ayant été confirmée après un appel par le parlement de Paris. Il avait été reconnu coupable d’excitation à l’émeute et condamné par le parlement de Toulouse. Plusieurs fois, il avait comparu devant les cours de Lyon pour offense contre les lois de la presse. Il n’avait échappé à la condamnation capitale qu’en vertu du pardon du roi. grâce aux représentations et à l’influence d’amis puissants. Jugé une troisième fois, sous l’accusation capitale de blasphème, sédition et exposition de livres prohibés, les juges décidèrent d’après les témoignages (comme contre-témoignage nous n’avons rien d’autre que ce que dit le prisonnier) qu’il était coupable : le parlement n’avait donc pas à opter et devait le condamner à la peine capitale qui ne fut pas exécutée hâtivement, mais après deux années passées à examiner les accusations. Il comparut devant le parlement de Paris comme violateur obstiné de la loi, et fut considéré par la cour comme tel, et traité exactement comme le serait (et à bon droit) un récidiviste par les cours d’aujourd’hui. Après une série de délits comme ceux-là, on ne pouvait que le condamner à mort. Je ne puis pas dire que ce raisonnement me paraisse concluant, bien qu’il ait nul doute de la valeur et qu’il mérite d’être pris en considération, mais j’ai cru que dans l’intérêt de la vérité historique il était de mon devoir de le faire connaître à mes lecteurs. Si je n’essaye pas, dans cette note, de combattre ce jugement, c’est parce que le raisonnement qui m’a amené à une conclusion différente est suffisamment indiqué dans le texte sans être toujours exprimée catégoriquement.

  1. Cette lettre est insérée dans les Amœnitates Theologico-Philologicæ, Amsterdam, 1694, p. 78.