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ÉTIENNE DOLET

sédition et d’exposition de livres prohibés et damnés, accusations qui sont énumérées tout au long au procès, et le condamna à être conduit par l’exécuteur de la haulte justice en un tombereau de la prison de la Conciergerie à la place Maubert, «où sera dressée et plantée en lieu commode et convenable une potence, à l’entour de laquelle sera fait un grand feu, au quel après avoir esté soublevé en la dicte potence, son corps sera jecté et brûlé avec ses livres et son corps mué et converti en cendres et a déclairé et déclaire tous et chacuns les biens du dict prisonnier acquis et confisqués au roy

«Et néantmoins a ordonné la dicte court, que auparavant l’exécution de mort du dict Dolet il sera mis en torture et question extraordinaire pour enseigner ses compaignons. Et néantmoins est retenu in mente curiœ, que où le dict Dolet fera aucun scandale ou dira aucun blasphème la langue lui sera couppée et bruslé tout vif.» A cette condamnation fut apposée la signature du premier président[1].

  1. J’ai fait mon possible pour réunir tous les faits ayant rapport aux procès et condamnations de Dolet afin de permettre au lecteur d’en tirer ses propres conclusions, mais je n’ai pas hésité à formuler, ou du moins à indiquer clairement les conclusions que les faits m’ont dictées. Il se peut toutefois que mon jugement soit, jusqu’à un certain point, influencé par une certaine sympathie pour Dolet et ses travaux, par la haine des persécutions religieuses et par le souvenir des sentiments pleins d’animosité et d’amertume dont firent preuve Matthieu Orry et Pierre Lizet en d’autres cas. Voici une autre interprétation de ces faits, celle de feu M. le président Baudrier, qui était non seulement un juge et un juriste distingué, mais en même temps très au courant de l’histoire littéraire, religieuse et politique et des institutions du seizième siècle, et par conséquent fort à même de porter un jugement sur cette question. Je n’ai pas besoin de dire qu’à priori il pouvait mieux que moi se faire une idée exacte de la procédure, de la cause de la sentence, et des motifs qui devaient guider les juges, dans un procès ou une série de procès en France à cette époque. M. Baudrier en arrive aux conclusions suivantes : Dolet ne peut à aucun égard être considéré comme victime de ses opinions ; ses persécuteurs n’existaient que dans sa cervelle ; ses malheurs furent causés simplement par sa mauvaise tête et son mauvais cœur ; les juges et les cours qui le condamnèrent mirent en vigueur les lois existantes sans prévention ou préjugé ; encore que ces lois fussent injustement sévères (comme les lois de tous les pays à cette époque), il n’en est pas moins vrai que pour ce qui est du cas de Dolet, elles n’empiétèrent pas sur la liberté de conscience, et ne lui furent ni indûment, ni injustement appliquées. Pendant les dix ans qui ont précédé sa condamnation, Dolet,