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ÉTIENNE DOLET

étaient littérateurs aussi bien que théologiens, Charles de Sainte-Marthe et Théodore de Bèze, par exemple, les réformateurs lui étaient généralement hostiles. Calvin le mettait au même rang que Servet, et aurait sans doute aidé Orry à le faire brûler avec autant d’empressement et de satisfaction qu’il en montra dans la suite en trahissant le malheureux Espagnol pour le livrer au même inquisiteur. Toutefois le grand courage, l’élévation de sentiments et la droiture qu’il sait avoir — le Second Enfer nous révèle tout cela — n’abandonnèrent pas Dolet pendant les deux pénibles années d’emprisonnement, de solitude complète et d’anxiété qui suivirent sa dernière arrestation. Bien qu’il sût qu’à tout moment une condamnation le menaçait et qu’il n’ignorât pas quelle devait être la nature de cette condamnation, dans la dernière de ses compositions, écrite peu de temps avant sa sentence, on le voit sans nul doute en proie à la tristesse profonde que lui causent ses malheurs, l’abandon de ses amis et de tout le monde, mais il se console en se soumettant à Dieu, en se rendant compte qu’il n’a rien fait pour mériter la mort, que non seulement il a vécu une vie d’innocence, mais qu’il a, jusqu’à un certain point, atteint le noble but qu’il s’était proposé ; enfin il nous montre que rien n’est venu troubler la fermeté et la sérénité de son esprit. Voici ce cantique que l’on peut considérer comme les dernières paroles d’«Estienne Dolet, prisonnier à la Conciergerie de Paris, sur sa Désolation et sur sa Consolation» :

Si au besoing le monde m’abandonne
Et si de Dieu la volonté n’ordonne
Que liberté encores on me donne
Selon mon vueil ;
Doibs-je en mon cueur pour cela mener dueil,
Et de regretz faire amas et recueil ?
Non pour certain, mais au ciel lever l’œil
Sans aultre esgard.