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ÉTIENNE DOLET

palais, et aussi pour l’avoir repris et amené à grands frais prisonnier en la dict conciergerie.

La sentence ne fut pas rendue avant le 2 août 1546, le procès ayant duré près de deux années pendant lesquelles Dolet fut prisonnier à la Conciergerie. Les épîtres si nobles et si émues du Second Enfer ne lui avaient servi de rien. Le temps n’était plus où des poèmes de cette nature pouvaient toucher le cœur de François Ier, François n’était alors que l’ombre de lui-même, il souffrait physiquement de la terrible vengeance que lui avait infligée le mari de la belle Ferronière; son esprit était entièrement plongé dans la léthargie et la superstition, et il était devenu la créature soumise des prêtres et de leurs partisans, qui semblent n’avoir permis au malheureux roi que deux choses : jouir de la société de sa maîtresse, la duchesse d’Étampes, et de celle de son lecteur, Pierre Duchâtel. Il avait un grand attachement pour ces deux personnes, mais ni l’une ni l’autre n’osa aller à l’encontre du parti prêtre.

Les années 1545 et 1546 sont deux des plus horribles de l’histoire de France, et deux des plus horribles de l’histoire de l’église catholique. Un décret fut rédigé par le cardinal de Tournon et Jean de Maynier, baron d’Oppède, premier président du parlement d’Aix, révoquant les lettres patentes du 15 juin 1544, par lesquelles toute mesure contre les Vaudois avait été suspendue, et ordonnant que, en dépit de toutes les lettres de grâce subséquentes, le décret du 18 novembre 1540 serait exécuté dans toute sa rigueur. Pour que ce décret fût régulier, il fallait qu’on eût la sanction du garde des sceaux avant de le présenter à la signature du roi, et ensuite qu’il fût revêtu du contre-seing dudit garde des sceaux. Olivier, alors garde des sceaux et ensuite chancelier, moins docile — ou moins endurci — que plus tard, répugnant aux massacres en masse que l’on méditait, refusa de sanctionner le décret ou de le présenter à la signature du roi. Le cardinal le fit présenter par L’Aubespine, secrétaire d’État, et on obtint ainsi la signature du roi. Le décret fut contresigné par L’Aubespine.