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ÉTIENNE DOLET

ler entièrement indifférent à sa réputation. Le refus du parlement d’enregistrer ses lettres les unes après les autres ne pouvait que lui déplaire ; aussi le 21 août publia-t-il de nouvelles lettres patentes qui confirmaient les premières et ordonnaient en termes péremptoires que les grâces déjà accordées fussent immédiatement enregistrées et eussent leur effet, sans quoi le parlement aurait quinze jours pour venir exposer au roi les motifs de refus d’enregistrement. Cette fois les efforts de Duchâtel eurent un plein succès. Le 13 octobre Dolet comparut encore devant la Chambre de la Tournelle, on lut toutes les lettres patentes, on entendit le procureur royal, et la cour décréta l’enregistrement de toutes les lettres de grâce et d’ampliation ; on ordonna de rendre la liberté au prisonnier dès qu’il aurait fait abjuration devant l’official de l’évêque ; en même temps on fit brûler tous ses livres. La sentence fut prononcée par François de Saint-André, président à mortier.

Il est impossible de louer trop hautement la conduite de Duchâtel en cette occasion. Accompli et intelligent, c’était un homme qui n’avait ni fortes opinions, ni principes bien établis. Courtisan dans toute l’acception du mot, il désirait surtout avoir une vie faite de loisirs, il tenait à la faveur du roi et voulait avoir une large part de toutes les jouissances ; néanmoins il risqua de perdre tout cela par son zèle à sauver la vie d’un homme que le plus puissant personnage de France, le cardinal de Tournon, avait déclaré athée et voué au supplice. Le cardinal reprocha amèrement sa conduite à l’évêque de Tulle : «Osez-vous», lui dit-il, «vous qui avez rang d’évêque dans l’église catholique, agir contre tous ceux qui ont à cœur les intérêts de la religion et de la piété, et défendre auprès du Roi très chrétien non seulement ces malheureux qui sont entachés d’hérésie luthérienne, mais même les athées et les blasphémateurs ?» Duchâtel répondit qu’il n’avait défendu et ne défendait aucun des crimes et des hérésies de Dolet, et qu’il avait intercédé auprès du roi en faveur d’un homme qui promettait de réformer sa vie et ses