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ÉTIENNE DOLET

Mais le plus vilain côté de son caractère n’a pas encore été révélé. Il y avait une chose qu’il aimait plus que les plaisirs de Bacchus ou de Vénus : c’était la persécution des hérétiques. Il n’était rien, s’il n’était pieux et orthodoxe. On ne sait pas au juste si cette terrible chambre où la lumière lugubre des torches rares rendait l’obscurité encore plus hideuse, la chambre ardente, est une de ses créations ; ce qui n’est pas douteux, c’est que, pendant les séances de ce tribunal, quand on jugeait des hérétiques, il présidait presque toujours en personne.[1] L’époque pendant laquelle il occupa ses fonctions correspond à la dernière moitié du règne de François 1er, alors que l’on voyait s’évanouir les belles promesses de la jeunesse du roi, qui faisaient espérer qu’il serait véritablement le père des lettres et le réformateur de l’Église, et que la France avait le malheur de posséder un roi qui se laissait mener par ses conseillers ecclésiastiques, et qui tentait de détruire ce progrès intellectuel dont il avait autrefois aspiré à être le chef.

Pierre Lizet fut nommé premier président en 1529 ; il remplit ces fonctions jusqu’à sa démission forcée (1550), et quoiqu’il soit injuste de lui attribuer exclusivement la longue série de châtiments qui ont marqué cette période (à commencer par le martyre de Berquin, 1529), et dont le roi, qui les sanctionna, est le premier coupable, il n’en est pas moins vrai que la sévérité de la persécution fut augmentée par la pieuse brutalité du premier président, qui n’était jamais aussi heureux que lorsqu’il siégeait à la chambre ardente, jugeant et condamnant (lorsqu’il présidait ces mots étaient synonymes) les soi-disant luthériens. Heureux les accusés qui étaient jugés par la chambre de la Tournelle, où siégeaient ordinairement le troisième président, Bertrandi, ou Saint-André, le président à mortier, car dans la grand’chambre (dont la chambre ardente était une annexe), non seulement

  1. Th. de Bèze : Hist. Eccl., livre II.