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ÉTIENNE DOLET

la postérité ne connaît — si toutefois elle s’en occupe — ni comme juge, ni comme juriste, ni comme théologien, autant de titres dont il espérait se faire une gloire éternelle, mais comme l’objet de la sanglante satire de Théodore de Bèze, l’Epistola Passavanti. Nous ne pouvons guère penser à son prédécesseur, le célèbre du Prat, sans nous rappeler que Beaucaire l’appelle avec assez de raison «le plus méchant des bipèdes »[1]; et c’est à juste titre que nous pourrions dire de Lizet qu’il était le plus stupide des bipèdes. Il surpassait Hercule, dit l’auteur de l’Êpitaphe de Monsieur Pierre Lizet :

Car il fait mourir en mourant
La plus grand beste qui fut onques.

Il était fort exercé dans les formes et les pratiques de la loi, et n’était nullement suspect de se laisser corrompre par des dons d’argent[2]— car nous ne devons pas passer sous silence la seule qualité qu’il possédait — voilà à peu près tout ce que l’on peut dire en sa faveur. Obstiné, étroit d’esprit, bigot jusqu’au fanatisme, il voulait faire valoir ses droits de dignitaire dans les questions les plus futiles comme dans les questions les plus importantes, et était aussi prêt à plier l’échine quand ses intérêts étaient en jeu qu’à se montrer arrogant quand il pensait pouvoir agir ainsi impunément[3]. Disposé à outrepasser les droits du trésor, de la couronne et des épices des juges, il se montra également prêt, alors qu’il était avocat général, à trahir les droits du roi en faveur de ses propres clients. Il détestait l’ancien droit coutumier français, le palladium des

  1. «Bipedum omnium (ut quidam ait) nequissimus. » Belcarius : Hist. Gallica, lib. XV, c. 1.
  2. Il était si pauvre que lorsqu’il donna sa démission il fut nécessaire de lui octroyer l’abbaye de Saint-Victor afin qu’il eût de quoi vivre. Mais s’il n’était nullement suspect de se laisser corrompre par des dons d’argent, il était disposé, suivant Henri Estienne, à trahir la cause de la justice, si quelque autre tentation se présentait à lui. Intr. au Traité de la Conformité, chap. XVII.
  3. «Ex viro, congressu primo, mulier posteriore factus », dit de Thou de Lizet en une certaine occasion, liv. VI.