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CHAP. XXI. — NOSTRE MAISTRE DORIBUS

voulait obéir à ses commandements. S’il avait erré, disait-il, c’était sans le savoir, et il était désireux de se rétracter. Puis il contesta la juridiction de la cour et nia la compétence des juges. Mais il n’est guère possible (quand on connait le tempérament de Dolet et le caractère de Matthieu Orry) que les choses se soient passées sans altercations entre le prisonnier et les juges, et nous pouvons être sûr que des lèvres amères de Dolet ont dû tomber quelques mots qui, encore que pleins de vérité et de justesse, ne pouvaient manquer d’irriter le fanatique ignorant qui présidait.

Suivant l’opinion de Dolet — opinion qui était celle des plus doctes et des plus pieux d’entre les réformés — Orry était le plus ignorant et le plus méchant des hommes, il avait à cœur avant tout d’arriver à faire périr tous les vrais chrétiens. Il n’est guère probable que Dolet pût cacher son opinion durant tout ce long procès, mais l’épigramme suivante peut plutôt nous donner une idée de la nature des moqueries auxquelles il se laissait aller envers ses juges que nous renseigner sur un incident particulier du procès :

Dolet enquis sur le poinct de la foy,
Dict a Orris qui faisoit ceste enqueste:
«Ce que tu crois, certe point je ne croy,
«Ce que je croy ne fut oncq en ta teste.»
Orris pensant l’avoir pris en fit feste
Luy demanda : «Qu'est ce que tu crois doncq ?»
« Je croy,» dit-il, « que tu n’es qu’une beste
« Et si croy bien que tu ne le creus oncq[1].

La défense du prisonnier, encore que complète et concluante, fut inutile. Pour Matthieu Orry il s’agissait de

  1. On lit cette épigramme (écrite par un contemporain) sur le revers du titre d’un exemplaire des Carmina de Dolet qui se trouve dans la bibliothèque de l’Académie de Lyon. Elle fut imprimée, pour la première fois, par M. Breghotdu Lut dans ses Nouveaux Mélanges biographiques et littéraires pour servir à l’Histoire de la ville de Lyon (Lyon, 1829-1831), p. 183.