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CHAP. XXI. — NOSTRE MAISTRE DORIBUS

Dans le Grand Martyrologe, on voit qu’il a souvent présidé des procès intentés à des hérétiques, les interrogeant, les condamnant et assistant aux exécutions. « Misérable Orry ! » c'est ainsi que l’apostrophe en une certaine occasion, le martyrologue, «qui as toujours aguisé a cruauté ceux qui brûlent de rage[1]». Mais entre tous les procès, dans lesquels il a eu une part importante, il y en a deux qui nous intéressent surtout.

Ce furent les lettres de Calvin, lettres pleines de sentiments nobles et chrétiens qui avaient donné à Renée de France la force de résister aux instances de Matthieu Orry. Dans ces lettres, comme dans beaucoup d’autres aussi belles, nous voyons le réformateur sous son meilleur jour, tel que nous espérons et croyons qu’il était réellement.

Dans les lettres certainement inspirées et peut-être dictées par lui, dans lesquelles il dénonce aux autorités de Vienne les blasphèmes et trahit la personne de Michel de Villeneuve, alias-Revès, alias Servet, nous voyons jusqu’à quel degré d’infamie et de dépravation, la bigoterie religieuse (alliée peut-être à la haine personnelle) peut plonger un homme naturellement grand et noble. Ce fut à Matthieu Orry que furent portées les lettres écrites au nom de Guillaume Trie à son cousin Antoine Arneys. Ce fut Matthieu Orry qui fit rédiger les réponses que devait faire Arneys et qui, lorsque tous les renseignements nécessaires eurent été donnés par Calvin, dirigea, bien qu’en réalité il ne lut pas président en cette circonstance, le procès de Servet à Vienne.

Sur aucune époque de la vie d’Orry nous n’avons tant de détails. Et c’est en consultant les documents du procès de Servet que nous pouvons nous faire une idée très exacte de l’inquisiteur. Nous le voyons agir tantôt comme policier, tantôt comme procureur général, tantôt comme conseiller, tantôt comme juge ; il rit sous cape en lisant les lettres de Guillaume Trie, il dicte les réponses qu’il faut, il demande

  1. Édit. de 1597, p. 180.