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CHAP. XXI. — NOSTRE MAISTRE DORIBUS

«L’Inquisition », dit M. Charles Barthélémy « a fait la gloire du pays où elle a pris naissance ; elle a assuré la liberté d’un grand peuple, elle a protégé le génie. Elle a adouci et modéré la sévérité des autres cours de justice[1]. »

Cependant, grâce aux historiens qui se sont occupés de Toulouse, et, grâce aux archives de la ville et du parlement, nous pouvons recueillir un petit nombre de détails qui nous font voir l’importance du Saint-Office et de l’inquisiteur général en Languedoc. Ce dernier était nommé tantôt par le provincial, tantôt par le père général des Dominicains, tantôt par le pape lui-même. Pendant une partie du seizième siècle, les frères de l’ordre de Saint-Dominique semblent avoir exercé le droit d’élection, droit qui ensuite fut accordé à la congrégation du Saint-Office. Mais, de toute façon, il était nécessaire que la nomination fût confirmée par le roi et enregistrée par le parlement. A Toulouse même, le parlement avait soin de

  1. Mensonges et erreurs historiques, Paris, Blériot, 1863. C’est là un précis fort en vogue dans les écoles religieuses et dans les séminaires de France. Ceux qui désirent avoir des détails sûrs et exacts sur la douceur et sur la modération du Saint-Office doivent consulter, — non pas les écrivains protestants ou infidèles, qui par leurs préjugés et leurs sentiments personnels sont entraînés à exagérer les faits, et qui parfois racontent des histoires à sensation en se fondant sur des données insuffisantes, — mais les écrit autorisés et officiels. Le code de l’inquisition (Sacro Arsenale orvere Prattica del officio della S. Inquisitione Amplicata), dont cinq éditions ont paru, la dernière que je connaisse, en 1730, décrit tout au long les différents sortes et les différents raffinements de supplices qui étaient en vigueur. C’est pour le salut de l'âme de la victime que ses pieds sont non seulement brûlés, mais plongés d'abord dans du lard. Ils brûlent mieux de cette manière, et la torture est plus affreuse. Umbertus Locatus, inquisiteur à Pavie et à Plaisance, commissaire général de l’inquisition de Rome et confesseur de Pie V, dans son Praxis judiciaria inquisitorum cum quibusdam Sancti Officii Decretis (Venise 1583), spécifie aussi les différentes espèces de supplices auxquels on avait recours suivant les cas. Nous connaissons la torture qui consistait à chatouiller les pieds de la victime. Mais on y mettait plus de raffinement qu'on ne pense; on frottait tout d’abord les pieds de sel et ensuite on les faisait lécher par une chèvre. Il n’y a pas de meilleur moyen pour ce supplice tout à fait exquis. En lisant ces écrits officiels qui émanent de l'autorité, nous nous demandons de quelle nature était la sévérité des autres cours, laquelle, suivant M. Barthélémy, était adoucie et modérée par un tribunal dont c'étaient là les pratiques ordinaires.