sérieuse ; une fois, il est vrai, si ce n’est plus, il fut appelé à comparaître devant l’official de l’archevêque pour s’expliquer au sujet du Cato Christianus et des épigrammes, dont la vente semble n’avoir pas été suspendue ; toutefois on ne sait pas au juste quel fut le résultat de cette enquête.
Mais la paisible existence littéraire qu’il avait menée pendant quelques années touchait à sa fin. Prospères et heureuses, ces années le furent, mais il n’est pas moins vrai que, pendant cette période, Dolet vit quelques-uns de ses amis mourir, d’autres l’abandonner, auxquels, dans les malheurs qui le menaçaient, il aurait pu demander quelque sympathie, sinon un appui plus sérieux. Les excellents évêques de Rieux et de Limoges étaient morts tous les deux, et Dolet, perdant ces anciens amis, ne semble pas s’en être fait de nouveaux aussi dévoués et aussi influents. La plupart des maîtres imprimeurs de Lyon continuaient à être ses ennemis acharnés, soit par jalousie, comme il le croit, à cause du privilège que le roi lui avait accordé et à cause du succès avec lequel lui, un intrus, il avait conduit ses affaires, soit aussi à cause de la part qu’il avait prise, et qu’il continuait à prendre, dans les discussions entre les patrons et les ouvriers. Cependant la haine des bigots et des fanatiques avait augmenté. La plupart des amis de Dolet étaient suspects d’hérésie, et quelques-uns d’entre eux plus que suspects. Il avait imprimé les poésies de Marot et le Gargantua de Rabelais, et dans ses épigrammes il s’était moqué des moines avec autant de violence que l’un ou l’autre de ces écrivains.
Mais il devait bientôt être accusé d’autres crimes plus sérieux encore. En 1542, il oublia tout à fait la prudence qu’il s’était imposée pendant les trois années précédentes, et il se précipita, la tête la première, dans la gueule du lion. Son installation dans la rue Mercière donna une grande extension à son commerce d’imprimeur et de libraire. Dans la première moitié de l’année 1542, trente livres au moins sortirent de ses presses.