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CHAP. I. — ORLÉANS ET PARIS

d’autres érudits de la Renaissance, Bérauld valait mieux que ses livres. « Sa conversation, dit Érasme, était supérieur à ses œuvres. » Et il ajoute : Etiam nunc audire mihi videor linguam illam explanatam ac volubilem suaviterque tinnientem et blande canoram vocem. Ses livres sont oubliés, ils n’ont peut-être eu aucune influence dans l’histoire du monde ; l’homme, au contraire, doit intéresser le littérateur, parce qu’il fut l’ami et le correspondant d’Érasme, et l’historien, parce qu’il fut le précepteur des trois grands Coligny, l’amiral, le cardinal et le général. Ce fut Bérauld qui sema dans leur esprit les germes de ces principes qui ont rendu leur nom si illustre dans les annales de la France protestante. Soupçonné, non sans raison, d’avoir quelque sympathie pour les réformateurs, Bérauld fut détesté par Béda et par les dévots ; mais il se montra si habilement prudent qu’il ne fut jamais persécuté. En fait, quoique plus d’un protestant éminent lui fût redevable de connaître la vérité évangélique, comme ses contemporains qui favorisaient les doctrines de la réforme, il ne voyait aucun mal dans les pratiques ou dans les formes de l’église de Rome, et n’avait nulle envie de s’en séparer ; jusqu’à sa mort il resta catholique. De même qu’Érasme il possédait cet esprit tolérant et ces idées larges qui ne convenaient pas plus à Calvin qu’à Béda[1].

Mais bien que nous n’ayons que des renseignements succincts sur la vie de Dolet pendant ces cinq années, on ne saurait douter que l’influence que Bérauld exerça sur son caractère, sur ses opinions et sur tout son avenir ne fut très grande. Bérauld était un helléniste et un latiniste enthou-

  1. Nous n’avons aucune bonne biographie de Bérauld. La meilleure est celle qui se trouve dans la France Prolestante de Haag. Plusieurs de ses lettres sont imprimées (pour la première fois) dans l’excellent ouvrage de A. I. Herminjard, Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française. Sa vie ne fait pas partie des Hommes illustres de l’Orléanais (Orléans, 1852) bien que la Nouvelle Biographie générale mentionne cet ouvrage comme l’un des documents qui ont servi à écrire la maigre biographie de Béraud qu’on trouve dans ce recueil d’un mérite inégal.