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ÉTIENNE DOLET

Cicéron fut l’idole des hommes de la Renaissance. Peu d’entre eux étaient capables de lire, moins encore en état d’apprécier la littérature et la philosophie grecques. Plaute et Térence étaient populaires, mais on les considérait comme des écrivains légers et frivoles. Du reste, pour les bien comprendre, il fallait connaître les usages de l’antiquité plus qu’on ne les connaissait. Tite-Live et César étaient lus par les soldats et par les hommes d’Etat ; Tacite, pleurant sur le passé et regardant l’avenir d’un œil sombre, ne pouvait guère convenir à un siècle qui renaissait. Les jours d’Horace n’étaient pas encore venus, le calme bon sens, la gaieté tranquille, le parfait contentement du disciple d’Aristippe étaient absolument en contradiction avec l’esprit du quinzième siècle et de la première moitié du seizième. Le charme du style de Cicéron, le ton général de ses écrits, sa philosophie sensée mais superficielle et ordinaire, son mépris de savant pour les illettrés, ses sarcasmes parfois mordants mais toujours de bon goût, son dédain absolu mais toujours réservé des superstitions et des croyances non seulement du commun des hommes, mais encore des orthodoxes, et même sa vanité mal dissimulée, enveloppée mais nullement cachée par la pompe d’expressions harmonieuses et bien choisies, en résumé, ses défauts comme ses mérites, tout contribua à établir son influence.

Nous ne savons que peu de chose sur les cinq années que Dolet passa à Paris. Le seul renseignement qu’il nous ait transmis, en dehors de ce qui concerne ses études cicéroniennes, c’est qu’à l’âge de seize ans il étudia la rhétorique sous Nicolas Bérauld[1], né lui-même à Orléans et passant pour l’un des plus illustres professeurs d’éloquence et de littérature latine de l’époque. Érasme dit de lui qu’il était une des perles et des étoiles de la France. Ainsi que beaucoup

  1. « Nicolaus Beraldus quo praeceptore annos natus Sedecim Rhetorica Luteciæ didici. » Comm., vol. I, col. 1158.