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ÉTIENNE DOLET

Jusqu’à l’âge de douze ans Dolet resta à Orléans, où il reçut une éducation dont il parle à plusieurs reprises en termes fort élevés ; il dit de lui qu’il était liberaliter educatum. Toutefois il est certain qu’il n’entendait pas par ces mots qu’il était fort avancé dans ses études, car le reste de la phrase nous fait voir que ce fut à Paris qu’il apprit les premiers rudiments de littérature (latine)[1].

À douze ans il alla donc à Paris, où il resta cinq années ; c’est à dater de ce moment que sa vie commence pour nous. Ce fut là qu’il ressentit pour Cicéron cet amour qui fut un trait si marqué de son caractère et de ses écrits et qui lui fut commun avec tant d’autres érudits de la Renaissance. Le culte des cicéroniens pour leur idole (suivant les anticicéroniens ce culte se fondait plutôt sur la forme et le style que sur le fond) nous semble à première vue exagéré et même absurde. Cependant on trouverait peu de personnes prêtes à nier les avantages que la littérature moderne a recueillis de l’étude de Cicéron, surtout quand on voit tout ce que lui doivent les meilleurs auteurs français. Si nous approfondissons la question d’une manière impartiale, nous cesserons de nous étonner du culte des cicéroniens et nous sympathiserons avec eux. Nous ne dresserons certainement pas de nouveaux autels à leur dieu, nous ne nous laisserons jamais aller aux extravagances de Nosoponus, mais nous reconnaîtrons que parmi les religions du passé, le culte cicéronien comporte les superstitions les moins vulgaires et qu’aux quinzième et seizième siècles il ne pouvait pas ne pas attirer à lui les gens éclairés et cultivés. Car c’était vraiment un culte réel, non pas une simple doctrine littéraire. L’inspiration divine de Cicéron était aussi absolument reconnue par Longueuil, par Hortensio Lando[2], par Dolet et par les cicé-

  1. « Gennabi duodecim annos liberaliter educatum excepit Parisiorum Lutetia ubi primarum literarum rudimenta posui. » Lettre à Budé. Orat. Dux in Thob, p. 105
  2. Dans une lettre à Gilbert Cousin (Œuvres de G. Cognati. vol. I, p. 313).