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CHAP. XV. — L’IMPRIMEUR

pratique, les meilleurs typographes de leur temps ; ils étaient passés maîtres dans leur art, ils en connaissaient chaque détail, ils surveillaient eux-mêmes et (comme ce fut le ras pour Robert Estienne) aidaient les compositeurs dans leur travail ; chacun d’eux imagina et fit fondre des caractères absolument différents de ceux qu’on avait employés avant eux. Les caractères cursifs encore connus sous le nom d’italiques furent inventés par Alde (qui prit l’écriture de Pétrarque comme modèle) pour ses livres latins ; Les italiques, bien qu’on ne s’en serve plus aujourd’hui que pour éveiller l’attention du lecteur, ont une supériorité incontestable sur les caractères romains ou gothiques dont on se servait autrefois, lesquels comportaient des contractions innombrables ; et si j’hésite à attribuer à Alde l’invention du caractère grec net et clair que le premier il fit connaître et dont on lui prête généralement l’invention, c’est seulement parce que M. Ambroise Firmin-Didot a prouvé récemment que ce caractère n’était qu’une imitation servile de la belle écriture de Marcus Musurus. C’est à Robert Estienne qu’on doit les typi regii grecs — gravés par Claude Garamond sous la direction du savant imprimeur, — qui, pendant deux siècles et demi, ne cessèrent pas d’être reconnus comme les plus parfaits et les plus beaux de tous les caractères grecs[1].

Au seizième siècle, être imprimeur était faire partie d’une corporation qui avait pour but de favoriser et de propager la littérature et la science. Longtemps avant l’invention de l’imprimerie, les libraires jurés de Paris ne pouvaient être reçus qu’après un sévère examen, et un édit de Charles VIII (1488) réduisit leur nombre à vingt-quatre, en plus des quatre

  1. Des duplicata des matrices et des clichés, emportés à Genève par R. Estienne, furent au commencement du dix-septième siècle l’objet d’intrigues et de négociations diplomatiques, — l’ambassadeur d’Angleterre désirait les acheter à Paul Estienne, et le gouvernement français prétendait qu’il y avait droit en ne payant que le prix pour lequel ils avaient été engagés. Voyez Les Estienne et les Types grecs de François Ier, par Aug. Bernard, Paris 1856.