Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
313
CHAP. XV. — L’IMPRIMEUR

Il est probable qu’il n’aurait point pris cette importante décision, s’il n’avait pas vu qu’une meilleure position s’ouvrait devant lui et qu’un revenu moins incertain qu’auparavant lui était assuré. Le second volume des Commentaires fut publié en février 1538 et, au mois de mars de la même année, l’auteur eut l’honneur d’être présenté au roi à Moulins, par le cardinal de Tournon, et d’offrir à sa majesté un exemplaire de son grand ouvrage. Nous ne savons pas auquel amis Dolet dut d’être présenté au cardinal ; à l’apogée de sa gloire, il était, alors, le plus puissant des ministres de François. Ce fut probablement à Pierre Duchâtel, qui, à cette époque, jouissait de la faveur du roi et était son lecteur officiel. Le cardinal parla de Dolet au roi en termes très flatteurs, et François ne se contenta pas d’accepter les volumes gracieusement, il accorda à Dolet le privilège qu’il briguait pour être à même d’exercer, avec quelque espoir de réussite, la profession d’imprimeur.

Durant le siècle qui suivit l’invention de l’imprimerie, la position de ceux qui s’adonnaient à cet art était relativement bien plus élevée qu’elle ne l’est de nos jours. Un imprimeur était alors nécessairement un homme instruit, habituellement et presque forcément un assez bon latiniste ; les maîtres imprimeurs étaient invariablement reconnus comme membres d’une corporation savante ; ils appartenaient à la confrérie des hommes de lettres, et n’étaient pas de simples commerçants qui exerçaient un art mécanique. Les traditions des Alde, des Estienne, des Gryphe et des Elzévir ont été dignement conservées par plus d’une grande famille d’imprimeurs et d’éditeurs, et jamais il n’a manqué de typographes éclairés qui ont moins songé à gagner de l’argent qu’à offrir au public des livres de la plus grande valeur, imprimés sur papier de luxe, en caractères artistiques. Mais aujourd’hui on rencontre comparativement assez peu souvent des imprimeurs, éditeurs ou libraires qui soient des savants ou des écrivains ; et il n’est pas probable que nous revoyions des établissements