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CHAP. I. — ORLÉANS ET PARIS

seulement lorsque arrivèrent les nouvelles de la prédication de Luther ; et même quand ils furent avertis du danger et qu’ils essayèrent de le conjurer, il faut leur rendre cette justice qu’ils cherchèrent encore à encourager la littérature et la science pourvu qu’aucune doctrine ou aucune pratique de l’église ne fût attaquée.

Étienne Dolet, dont je vais raconter la vie, était un enfant de la pure Renaissance italienne, et il l’était véritablement plus qu’aucun des savants que la France a produits. On a toujours affirmé qu’il était athée, c’est comme tel probablement qu’il fut condamné et brûlé ; ses écrits toutefois ne confirment en aucune façon cette opinion fort répandue. Sans nul doute, Dolet était un païen de l’école de Bembo et de Longueuil, avec eux il pensait que la religion de Cicéron convenait mieux à un homme cultivé qu’un système qui offrait à l’adoration des fidèles le vin des noces de Cana, le peigne de la Vierge Marie et le bouclier de saint Michel Archange. Dans ses écrits, toutefois, rien n’est en désaccord avec les doctrines de l’église, son autorité y est respectée. Il ne croyait pas aux doctrines de Luther et de Calvin ; tout ce qu’il souhaitait c’était de pouvoir continuer, à son aise, ses études littéraires en ce bas monde sans se préoccuper de l’autre ; mais il a vécu en un temps et en un pays particulièrement défavorables à un homme de son caractère. Un demi-siècle plus tôt, avant que l’église eût songé que le progrès intellectuel renversait complètement son autorité, on l’aurait salué, en France, comme l’un des restaurateurs des lettres, il serait sans doute devenu ambassadeur et peut-être cardinal.

II naquit à Orléans en 1509, probablement le 3 août, jour de l’invention des reliques du saint dont il porte le nom, jour où, trente-sept ans plus tard, il devait être compté au nombre de ces hommes que la bigoterie religieuse, se cachant sous le manteau de l’orthodoxie chrétienne et catholique, mit à mort brutalement ; parmi ces hommes les uns étaient remarquables par leur génie et leur savoir, les autres par leur piété et leur