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ÉTIENNE DOLET

être mes amis (mais dont, à vrai dire, je n’attendais rien), après une tempête furieuse et un orage terrible, j’arrivai enfin sain et sauf au port sans avoir eu à subir aucune perte sérieuse. »

Ces paroles ne pouvaient guère être bien accueillies par Budé lui-même et naturellement moins encore par les autres amis auxquels Dolet était redevable du pardon royal. Dans cette dédicace et dans ses poèmes il voulait nous faire supposer qu’immédiatement à son arrivée à Paris, et sans l’intervention d’aucun de ses amis, il obtint accès auprès du roi, raconta son fait et arriva à ses fins. Mais les lettres de Voulté et de Boyssone nous tiennent au courant des démarches actives que firent à Lyon et à Paris, et même à la cour, les amis de l’accusé, pour arriver à cet heureux résultat.

Dolet lui-même avoue ailleurs qu’il dut sa grâce à Marguerite de Navarre, et, d’après les poèmes qu’il adresse à Franciscus Pocræus et à Antonius Arlerius (personnages que je ne connais pas), nous voyons qu’eux aussi avaient mis leur influence à son service et avaient contribué grandement au succès des démarches. Et il est fort probable aussi que Pierre Duchâtel, alors très en faveur auprès du roi, avait été utile à Dolet. Une des odes de Voulté ne laisse aucun doute à cet égard. Voulté, lui-même, après un court séjour à Lyon, semble avoir senti que les intérêts de son ami l’appelaient à Paris, et nous l’y trouvons en effet avant que Dolet ait quitté la capitale. Les efforts des amis des lettres avaient remporté déjà la victoire, et le pardon du roi avait été accordé le 19 février[1], date antérieure à celle de la lettre de Voulté ; Voulté, du reste, n’avait pu arriver à Paris qu’à la veille du départ de son ami, juste à temps pour assister au banquet offert à Dolet par ses amis littéraires ; ce dernier nous a laissé de cette fête un intéressant récit qui, faisant passer devant nous tant d’hommes de la plus haute distinction, n’offre pas seulement un simple

  1. Procès d’Estienne Dolet, p. 27.