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CHAP. XIII. — TRAVAIL ET LOISIR

lieu qui lui convenait, mais tant que Boyssone, Jean de Pins, Minut et Voulté y restèrent, il y resta aussi.

En 1541, il devint professeur à Cahors et peu après à Valence. En 1548, sa réputation était si bien établie, qu’on le pria de venir à Padoue en lui offrant l’une des deux chaires de droit civil avec des appointements de huit cents florins. L’université et la souveraine république furent si satisfaites de ses services que par deux fois on augmenta ses émoluments, qui furent portés, en 1550, à neuf cents florins, et, en 1552 à onze cents. Sa popularité était si grande que nous savons par Papadopoli que la grande salle de l’université ne pouvait contenir la foule d’étudiants qui désiraient l’entendre. Bientôt après cependant, craignant d’avoir à quitter Padoue, à cause de ses opinions, qui commençaient à être connues et suspectées, il résolut de s’assurer une retraite et acheta le domaine de Farges, près de Genève (territoire de Berne[1]). Il avait espéré respirer là un air plus libre, mais le procès de Servet, qui eut lieu pendant un de ses séjours à Genève, lui montra à son grand désappointement que (comme le fait remarquer Grotius) « l’Antéchrist avait apparu non seulement près du Tibre, mais aussi près du Léman ». Gripaldi osa témérairement adresser des remontrances à Calvin en présence du bûcher, et même protesta contre la condamnation de Servet. S’opposer à la volonté du réformateur, était un crime qu’on ne pouvait oublier ou pardonner, et le seul résultat obtenu par Gripaldi fut d’être invité à venir conférer avec Calvin et les autres ministres au sujet de ses propres offenses. Calvin refusa de lui tendre la main, et Gripaldi, concluant à bon droit que l’on était déjà prévenu contre lui, se retira brusquement. Il fut immédiatement appelé devant le conseil, et accusé par Calvin non seulement de partager les erreurs de Servet, mais, crime plus grand, d’avoir refusé de discuter ses propres opi-

  1. Farges était dans le pays de Gex, alors sous la domination de Berne. Théodore de Bèze l’appelle : le Seigneur de Farges, dans sa vie de Calvin.