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CHAP. I. — ORLÉANS ET PARIS

joie en scellant de sa propre main la révocation de l’édit de Nantes et qui répéta alors le Nunc dimittis ! Mais Bossuet n’a pas un mot et apparemment pas une pensée de sympathie pour le peuple malheureux et oppressé ; Vinet l’a très bien dit : « Durant cette époque triomphale, le peuple échappe à nos recherches ». Pour lui, du moins, l’église n’avait point de message[1].

Le paganisme de la Renaissance fut la conséquence de la condition de l’église catholique. Lorsque la religion était complètement séparée de la morale, et était si loin d’être considérée comme une règle de vie, qu’elle semblait n’avoir pas plus de rapport avec la morale que n’en avait la religion des Romains aux jours de l’Empire, il ne faut pas s’étonner que les restaurateurs des lettres, tout occupés des grands esprits de l’antiquité, eussent regardé avec quelque sympathie et quelque regret ces superstitions du paganisme plus humaines et plus naturelles que celles de l’église catholique et aussi, à leur sens, moins nuisibles. À vrai dire, les premiers humanistes n’eurent aucune querelle avec l’église. Uniquement voués à l’étude de l’antiquité, il leur suffit de ne prêter aucune attention aux doctrines ecclésiastiques et de n’y point croire, très heureux d’ailleurs d’avoir une part des dignités et des revenus de l’église et de jouir de sa protection. Les évêques, les cardinaux et les papes eux-mêmes participèrent pendant un certain temps à l’enthousiasme, aux triomphes et au paganisme de la Renaissance. Depuis Nicolas V jusqu’à Léon X, l’église fut la mère nourricière des études nouvelles ; et plus tard même le paganisme absolu de Bembo, qui ne voulait pas lire les Épîtres de Saint-Paul dans la crainte de gâter son style, ne nuisit pas plus à son avance-

  1. Malgré le génie de Bossuet, malgré ses nombreuses vertus, je préfère le christianisme (ou antichristianisme) de Voltaire à celui de l’aigle de Meaux, et je ne puis oublier que son bec et ses serres se montrèrent non seulement da élans de son éloquence ou dans son admirable dénonciation des variations des églises protestantes, mais aussi dans l’active persécution qu’il dirigea contre Fénelon et dans l’approbation ardente qu’il donna à la révocation de l’édit de Nantes et aux dragonnades du Languedoc.