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ÉTIENNE DOLET

teurs, l’habileté polémique des chefs du parti gallican, le pieux mysticisme des jansénistes persécutés ; mais il nous serait bien difficile d’imaginer une institution mieux faite pour discréditer le christianisme, d’un côté, auprès des hommes qui pensent, de l’autre côté, auprès de cette classe de gens plus nombreux encore qui ne pensent ni ne raisonnent, que l’église de France pendant les trois siècles qui ont précédé la Révolution.

Pendant cette période la France a produit une abondante moisson d’hommes qui ont vécu et sont morts dans la communion de l’église et qui se sont distingués par ces vertus et ces grâces que le christianisme réclame comme son apanage — ce fait n’est pas incompatible avec notre opinion. Toutes les églises, toutes les sectes fort heureusement ont fourni et continueront probablement à fournir de nombreux exemples d’hommes qui valent mieux que leur croyance. À l’époque la plus corrompue de la Rome païenne, l’historien-philosophe pouvait dire : non adeo tam sterile seculum ut non et bona exempla prodiderit.

Mais une institution qui pouvait sanctionner et approuver le supplice de Berquin et de Dolet, le massacre des huguenots, la révocation de l’édit de Nantes, les dragonnades du Languedoc, les meurtres judiciaires et les horribles tortures de Calas et de La Barre (il n’y a pas cent vingt-cinq ans de cela), est absolument contraire et opposée au christianisme tel que je le comprends.

Bossuet peut être considéré comme le plus éminent et le plus heureux représentant de l’église catholique de France. Il a su faire couler des larmes à la prise de voile de Louise de la Vallière. Il a su faire une sainte de cette égoïste et frivole Henriette de France. Son langage éloquent, noble et harmonieux nous fait croire presque, quand on le lit, que Louis XIV était vraiment le roi selon le cœur de Dieu, et il nous fait oublier l’absurdité — ou l’impiété — du parallèle qu’il trace entre le caractère du chancelier Le Tellier et le caractère de Jésus-Christ, Le Tellier qui versa des larmes de