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CHAP. I. — ORLÉANS ET PARIS

de penser du moyen âge. Elle a examiné les choses telles qu’elles sont, et les opinions en se fondant sur leur vérité ou sur leur fausseté, et non pas sur leur autorité ou sur leur orthodoxie. Elle en a appelé ab auctoritate ad rem ; et un système qui a engendré Érasme et Rabelais et d’où découlent ensuite Molière et Voltaire ne peut être considéré comme stérile ou indigne d’être étudié, quelle que soit la valeur attribuée aux résultats qu’il a donnés.

Si aucun des hommes de la Renaissance (excepté Sadolet peut-être Érasme) n’a reconnu le christianisme ou n’a eu même conscience de la nécessité d’une religion comme élément de la félicité et de la morale humaines, il faut s’en prendre à l’époque où ils ont vécu et aux institutions qui avaient pour but d’enseigner cette religion ; bien que ces circonstances doivent diminuer le respect que nous pouvons avoir pour leurs doctrines, elles ne sauraient nous empêcher d’admirer les hommes eux-mêmes. Pour chacun d’eux la religion, le christianisme, l’église catholique représentaient — et il ne pouvait en être autrement — tout ce qui était odieux, tout ce qui était contraire à la liberté de penser, à la liberté d’action, tout ce qui, au point de vue religieux, était brutal et cruel et, au point de vue mondain, tout ce qui était vil et immoral.

Le christianisme du moyen âge, l’église catholique et même le saint-siège, au onzième, au douzième, au treizième et au quatorzième siècles, s’imposent à notre sympathie et à notre admiration, encore que les doctrines et les pratiques de époques ne satisfassent que faiblement notre raison ; le but était élevé et l’influence, en somme, bienfaisante. Mais l’église tout entière au moment de la Renaissance, et l’église française à partir du seizième siècle jusqu’à la Révolution ne peuvent avoir l’approbation de ceux qui sont d’accord avec l’esprit du dix-neuvième siècle et qui ne sont pas attirés par ce que l’on veut appeler le réveil du catholicisme. Il est impossible que nous n’admirions pas l’art oratoire des grands prédica-