Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2
ÉTIENNE DOLET

dans l’humanité, à cette recherche ardente de la justice, à cette reconnaissance de l’égalité des droits du genre humain que, pour la première fois, la Révolution devait enseigner comme autant de dogmes.

Entre Poggio ou Valla (deux hommes qui donnèrent une très grande impulsion à la Renaissance), et Rabelais, en qui l’œuvre se complète, la distance semble très grande au premier abord ; cependant quand on songe qu’Érasme, comme un pont qui réunit les deux rives d’un fleuve, a été leur trait d’union, cette distance diminue sensiblement. Mais entre Rabelais et Voltaire (Voltaire, le père de la Révolution à un certain point de vue et non pas le moins important) la distance semble, non sans raison peut-être, beaucoup plus grande. Ils sont pourtant reliés l’un à l’autre par Montaigne et par Molière, et, en examinant leurs tendances de près, nous remarquons qu’elles sont les mêmes. Tous deux aiment profondément la race humaine, désirent profondément son amélioration sociale et intellectuelle et haïssent profondément l’hypocrisie, la bigoterie, la superstition et l’ignorance.

La renaissance des lettres avait causé le mépris des idées du moyen âge, le dédain des légendes théologiques et des superstitions des siècles qui l’avaient précédée, et en même temps cette soif ardente de ces connaissances et de cette culture que seuls pouvaient offrir les écrivains de l’antiquité. Mais comme dans la vie réelle et dans les intérêts immédiats de l’époque il y avait peu de chose qui fût en harmonie avec les idées de l’antiquité, ces idées étant en complet désaccord avec le christianisme du moyen âge, ce fut la forme plutôt que la substance qui s’imposa tout d’abord. Les savants de la Renaissance cependant ne s’occupèrent point exclusivement de la forme. On dit parfois que la Renaissance n’a produit que le néant. Cette assertion est absolument inexacte. La Renaissance a produit la liberté de l’esprit. Elle a enseigné la vraie méthode à suivre pour considérer les choses et les opinions. Elle a rétabli l’art de penser de l’antiquité en l’opposant à l’art