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CHAP. XI. — LES COMMENTAIRES

Voulté, Oronce Fine le Dauphinois, Pierre Gilles deviennent les compagnons d’armes de Budé, de Lefèvre, de Longueuil et de Villanovanus. D’éminents juristes s’allient à eux contre les barbares, ce sont : Pyrrhus Angleberme, d’Orléans, Pierre de l’Estoile, d’Orléans aussi ; Guy de Breslay, Jean de Boyssone, de Toulouse ; Guillaume Scève, de Lyon ; Claude Chansonnette, Émile Perrot et Michel de l’Hôpital. Des écoles de médecine on voit s’élancer dans la mêlée Symphorien Champier, Jacques du Bois, Jean Ruel, Jean Cop, François Rabelais, Carolus Paludanus[1].

«Cette armée d’érudits, composée d’hommes de tous les pays, avait fait un tel carnage dans le camp de la barbarie, qu’il n’est plus resté de champ d’action à cette dernière. Elle s’est enfui d’Italie, elle a abandonné l’Allemagne, elle a quitté l’Angleterre, elle a fui l’Espagne, elle a été chassée et traquée hors de France, pas une ville d’Europe qui ne soit débarrassée de ce monstre horrible. Plus que jamais on cultive les lettres, toutes les études libérales fleurissent et, grâce à la culture littéraire, les hommes acquièrent la connaissance longtemps négligée du vrai et du juste. Les hommes ont enfin appris à se connaître eux-mêmes ; leurs yeux, voilés autrefois par un aveuglement malheureux, s’ouvrent enfin à la lumière du monde. Ils ne ressemblent plus à des brutes : leur esprit capable de culture et leur langage (ce qui nous distingue surtout des animaux) est devenu parfait, étant l’objet d’études exactes et précises. N’ai-je donc pas raison de féliciter les lettres de leur triomphe, puisqu’elles ont recouvré leur ancienne gloire et que, par un privilège qui leur est propre, elles procurent aux hommes tant de jouissances. Tout ce que je demande, c’est que l’on voie s’éteindre la haine de la littérature et des lettres qui subsiste encore chez ceux qui ont été élevés en barbares ; il faut qu’on se débarrasse de ces

  1. Carolus Paludanus ne m’est connu que par une épigramme de Gilbert Ducher (Epigrammata, Lyon, 1538, p. 148). Il paraîtrait qu’il exerça la médecine à Lyon.