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ÉTIENNE DOLET

qu’ils ont entre eux, ou plutôt suivant les idées qu’ils expriment. L’explication d’un mot est suivie d’une explication des mots analogues, puis des mots contraires ou dissemblables. Ainsi amare, qui est le premier mot des Commentaires, est suivi de adamare, redamare, amator, amabilis, diligere, observare, colere, amplecti, complecti, amicitia, amor, charitas, pictas, benevolentia, animus, voluntas, etc., jusqu’à ce que l’auteur ait épuisé la série des mots qui expriment cette idée ou qui s’y rapportent. Les vocables sont ainsi classés non pas suivant leur son ou leur orthographe, mais suivant leur signification. Le but de Robert Estienne était d’expliquer simplement le sens des mots ; Dolet s’était donné la même tâche ; mais, de plus, il voulait grouper tous les mots capables d’exprimer la même idée ou une idée opposée et montrer les relations qui existent entre ces mots. Voici, du reste, comment il explique la méthode de ses Commentaires dans une courte introduction mise en tête du premier volume :

« Afin que la méthode adoptée pour ces Commentaires soit plus clairement entendue et plus facilement comprise, je désire expliquer l’arrangement qui y a présidé. Je donne d’abord la signification de chaque mot, dans son sens premier et dans son sens second ou figuré. Puis je distingue entre les diffé-


    fermement qu’il est impossible de la transformer ; J. M. Gesner, dans sa Dissertatio de Præcipuis Lexicis Latinis, mise en tête de son Novus Linguæ et Eruditionis Romæ Thesaurus (Lips. 1749), croit que la popularité de la méthode alphabétique de R. Estienne a été un malheur pour l’érudition latine. On se souviendra qu’un système non-alphabétique, qui offre quelque analogie avec celui de Dolet, bien qu’il soit différent, fut adopté pour la première édition du dictionnaire de l’Académie Française comme le seul vrai et scientifique, mais on préféra l’ordre alphabétique pour la seconde édition parce qu’il était trop enraciné dans l’esprit du public : « Il y a deux manières de ranger les mots dans un dictionnaire ; l’une de les mettre tous, de quelque nature qu’ils soient, dans leur ordre alphabétique ; l’autre de les disposer par racines, c’est-à-dire, de n’observer l’ordre de l’alphabet que pour les mots primitifs… Or, de ces deux méthodes, la dernière est véritablement la plus savante, la plus propre à instruire un lecteur studieux… Mais cette méthode n’accommodait pas l’impatience du Français ; ainsi l’Académie, après l’avoir employée dans la première édition de son dictionnaire, a cru devoir l’abandonner dans la seconde ». Olivet : Histoire de l’Académie Française.