Il aurait dû citer ensemble les Commentaires de Dolet et la seconde édition du Thesaurus qui furent publiés presque en même temps ; l’une des remarques qu’il fait au sujet du Dictionnaire d’Estienne peut s’appliquer également aux Commentaires : « Les dictionnaires antérieurs de Calepin et des autres compilateurs ne comprenaient que l’interprétation de mots seuls, parfois on citait des passages des auteurs qui les avaient employés. Ceci produisit de perpétuels barbarismes et porta atteinte à la pureté de langage, tout en donnant naissance à ces hypercritiques fastidieux dont Valla nous est un exemple. C’est Estienne le premier qui s’est efforcé de faire ressortir l’usage propre des mots, non seulement dans toutes les anomalies de langage, mais dans toutes les nuances délicates de sens dont le goût pur et le discernement subtil des meilleurs écrivains ont donné des exemples. » Le but et l’intention des deux savants différaient autant que leurs méthodes, et tandis que Robert Estienne cherchait à donner à son ouvrage un caractère d’utilité pratique, Dolet donnait à la critique et à la science une plus large part. Le Thesaurus de Robert Estienne n’est qu’un dictionnaire, rien de plus ; les mots y sont rangés dans l’ordre alphabétique et expliqués séparément sans que leur relation avec d’autres mots soit indiquée[1]. Dolet, au contraire, arrange les mots suivant le rapport
- ↑ L’ordre alphabétique nous semble si naturel que nous avons quelque peine à concevoir une autre méthode ; on peut toutefois se demander si celle de de Dolet n’était pas la vraie, et si son système n’aurait pas été adopté généralement si ses malheurs et sa mort prématurée, due à des accusations d’athéisme, n’avaient point fait oublier les services que son œuvre aurait pu rendre. Ce furent le succès et la popularité du dictionnaire de R. Estienne (qui a servi de base à tous les dictionnaires latins qui suivirent) qui fixèrent la méthode alphabétique si
fut suivie d’une édition nouvelle en 1543. La première édition du Thesaurus date de 1532 (octobre) ; c’est un seul volume qui coûta à l’auteur deux années de travail incessant et qui, bien que de beaucoup supérieur à tous les dictionnaires existant alors, n’aurait pas mérité l’éloge que Hallam en tait, si une seconde édition n’avait été publiée en 1536 (décembre) — (il n’y a pas d’édition de 1535) — si augmentée, que c’est presque une œuvre nouvelle. En 1543 parut une troisième édition, encore plus volumineuse et pour laquelle l’auteur eut l’avantage de consulter les Commentaires de Dolet.