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CHAP. XI. — LES COMMENTAIRES

des rues de Paris et même sur les portes du palais du roi des placards attaquant avec violence et grossièreté la messe et le clergé, offrit un prétexte à leurs ennemis dont ces derniers ne tardèrent pas à se prévaloir. L’affaire des placards excita la juste indignation des catholiques et donna lieu à la plus cruelle persécution des hérétiques que Paris eût jamais vue encore. Dolet fait allusion à cet événement dans la lettre à G. Scève citée plus haut. Du 10 novembre 1534 au 5 mai 1535, vingt-deux personnes furent brûlées pour hérésie sur la place Maubert, et si nous croyons que Sleidan est dans l’erreur en affirmant que le roi et sa cour furent présents à l’un des plus horribles de ces spectacles, alors que six personnes furent livrées aux flammes et que pour la première fois, paraît-il, on fit usage du Strappado[1], un fait certain nous est acquis ; c’est que non seulement ces supplices furent sanctionnés par François Ier , mais qu’il sanctionna encore affreuses tortures qui les accompagnèrent, tortures inventées par des prêtres chrétiens, mais qu’on attribuerait bien plutôt à des démons, pensant qu’eux seuls eussent pu les imaginer et les mettre en pratique.

On pourrait croire peut-être que la Sorbonne, Béda étant en disgrâce, eût subi une meilleure influence et n’eût plus

  1. Le strappado était une sorte de bascule, à l’une des extrémités de laquelle était suspendu un hérétique au-dessus des flammes. On le faisait descendre pour un moment, on le laissait brûler, puis on le retirait, et l’on recommençait le même manège par intervalles. De cette façon le supplice durait bien plus longtemps, la torture était bien plus raffinée pour l’hérétique et bien plus agréable à voir pour les pieux spectateurs. Quoique Sleidan et Théodore de Bèze disent positivement que le roi fut présent et alluma le feu en cette occasion, et bien que le fait ait été glorifié par les historiens orthodoxes. M. Martin a fait remarquer (Hist. de France, vol. VIII) que le Bourgeois de Paris qui était là et qui note avec beaucoup de précision les détails de toutes les exécution, ne parle pas de la présence du roi, ce qu’il n’aurait pas manqué de faire si François Ier avait réellement assisté à ces atrocités et allumé lui-même le bûcher. Le Père Daniel, qui écrit au dix-huitième siècle (Hist. de France), porte aux nues cette preuve de la piété du roi. « François, » dit-il, « afin d’attirer les bénédictions du ciel sur ses armes, désira donner une preuve éclatante de sa piété et de son zèle contre la doctrine nouvelle. »