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ÉTIENNE DOLET

sentir un jour !) je vous aurais dit sa légèreté, sa mollesse, et sa conduite impie, si nous ne savions pas que tous ces singes imitant Cicéron ont tous la même dépravation, la même impudence. C’est donc cet individu qui m’a conduit chez l’oiseau de mauvais augure. Tout près de la pièce où ce dernier se tenait il y avait beaucoup de bruit et de désordre, provenant, je suppose, des enfants qui étudiaient là les rudiments de la grammaire. Vous savez que les tyrans bannis n’ont rien trouvé de mieux pour gagner leur vie. Dans la pièce même, je ne me rappelle pas quels livres avait l’exilé. Au cours de notre entretien il a fait allusion à un passage de ses discours dans lequel il parle d’Érasme, et, à ce qu’il m’a semblé, en termes nullement malveillants. Et il a voulu que ce passage fût cité par Hortensio, de peur que je fusse choqué par sa prononciation française ; il n’a pas été question du dialogue violent qu’il était sur le point de publier. Il a toutefois demandé avec instance à Lando d’écrire une préface pour ses discours, et il a offert de les dédier à la personne que Lando désignerait ; mais ce dernier a refusé. Gryphius de son côté s’est montré peu disposé à donner une nouvelle édition de ces discours ; il s’est même plaint à moi de l’insistance déraisonnable qu’avaient mise certaines personnes à les lui faire imprimer. Puis comme nous partions il m’a offert les fatras empoisonnés de Carvaialus[1] et de Scaliger que je n’avais pas vus en Italie. Il est évident que c’est par de semblables lectures que le malheureux se console d’avoir été exilé de Toulouse, et redonne un peu de vitalité à son esprit épuisé par ses querelles. Le jour suivant, je lui ai remis les deux livres dont j’avais marqué quelques pages, et nous eûmes

  1. Ludovicus Carvaialus (Caravajal), frère mineur, prit la défense des moines contre Érasme dans son Apologia monasticœ professionis. Anvers, MDXXIX. Cet ouvrage fut réimprimé à Bâle la même année. Érasme lui répondit dans sa Responsio adversus Febricitantis cujusdem Libellum, Bâle, 1529. Carvaialus répliqua, sa nouvelle attaque est intitulée : Dulcoratio amarulentiarum Erasmicœ responsionis ad apologiam fratris Ludovici Carvaiali. Paris, Colinæus, 1530.