Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée
205
CHAP. X. — LES CICÉRONIENS

impudence. J’apprends qu’il est correcteur d’imprimerie à Lyon, et s’il est vrai qu’il s’est occupé de corriger les livres imprimés par Gryphius que j’ai achetés dernièrement, je dois vous dire que nos écoliers eux-mêmes y ont découvert des fautes pour lesquelles il mériterait une sévère bastonnade. Je lui ai dit son fait dans ce second discours, sans le nommer toutefois, mais je l’ai peint sous de telles couleurs qu’il pourra être reconnu par les enfants mêmes de Toulouse[1].

Dans cette lettre et dans plusieurs autres écrites à peu près à la même époque à Le Ferron, Scaliger se montre également blessé et également amer. Nous pouvons pardonner au grand critique de se sentir quelque peu mortifié qu’un jeune homme inconnu ait jugé nécessaire d’ajouter un supplément à son discours, car, suivant la remarque de Bayle « il y a peu d’auteurs qui seraient flattés d’un tel procédé ; c’est là une façon de montrer l’intention de surpasser le premier champion ou de le priver de la gloire d’être la seule personne à briser une lance. On pense même que celui qui intervient dans le combat a l’idée que la cause n’a pas été bien défendue et a besoin d’être soutenue. » Mais il est impossible de justifier la violence du langage de Scaliger ou la haine implacable qu’il eut pour Dolet et qui lui fit même violer la mémoire de ce dernier.

Les poèmes de Dolet ne semblent certainement pas mériter l’admiration exagérée que leur accordèrent la plupart de ses contemporains et parmi eux les juges les plus compétents. Les gens de lettres qui, au seizième siècle, étaient liés d’amitié semblent avoir formé des sociétés d’admiration mutuelle, et tout ce que l’un d’eux écrivait était, par les autres, porté aux nues. Mais il y a sans nul doute quelques-uns poèmes de Dolet qui, sans égaler la meilleure poésie latine

  1. Scaliger a dû supprimer dans son second discours les passages dont il est question ici, peut-être à la prière de Le Ferron. Dans le second discourt tel qu’il est imprimé, il n’est question de Dolet qu’unefois, comme ayant imité le premier discours de Scaliger. Nicéron (Mém. XXI, p. 119) est dans l'erreur, en disant de ce second discours : » Dolet, qui en faisait le principal objet, ne fut point épargné. »