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CHAP. X. — LES CICÉRONIENS

chef ; plus qu’aucun autre il avait contribué à faire avancer autant la littérature en général que l’étude du grec en particulier et, par son esprit satirique et son bon sens, il avait aidé à renverser la superstition et la bigoterie ; mais la querelle des cicéroniens et des anti-cicéroniens importait peu aux adversaires de la science nouvelle, cette question ne les intéressait point du tout ; toutefois si la publication du dialogue ne procura pas à l’auteur la renommée qu’il espérait, elle lui valut la haine amère et implacable de Jules-César Scaliger.

Nous avons déjà vu que, par l’entremise d’Arnoul Le Ferron, Scaliger et Dolet avaient échangé quelques messages mais il semblerait que pendant la résidence orageuse de Dolet à Toulouse le grand érudit et critique ressentit quelque inimitié pour le jeune étudiant et qu’il prît le parti de Pinache dans la querelle fomentée par les discours. Toutefois ils étaient du même avis sur la question cicéronienne, ils défendaient ardemment l’un et l’autre la pureté du langage de Cicéron et l’un et l’autre ils étaient prévenus contre Érasme. Mais, ainsi qu’il a été vu, presque trois ans avant la publication du dialogue, Scaliger avait fait paraître son Oratio pro Cicerone contra Erasmum, ouvrage d’un mérite moindre encore que le dialogue de Dolet, moins vivant et moins amusant et beaucoup plus violent comme langage. Suivant l’opinion de Scaliger, lorsqu’il avait parlé, lui, il n’y avait rien à ajouter et même il n’était permis de rien ajouter. Son venin était fort amer contre ses adversaires ; mais ce qu’il écrivait sur eux était doux comme miel comparé au langage dont il se servit contre le jeune présomptueux qui avait osé penser qu’Érasme n’etait pas absolument écrasé par le discours que lui, Scaliger, avait écrit et qu’on pouvait dire encore quelque chose en faveur des cicéroniens. La violence avec laquelle Scaliger jugea les poèmes de Dolet porta Naudé[1] à croire que le critique avait quelque inimitié pour le poète ; mais ce fut Bayle

  1. Dial. de Mascurat, p. 8.