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CHAP. X. — LES CICÉRONIENS

il serait nommé cardinal et ensuite élu pape ; il aurait pu alors arracher aux Vénitiens sa principauté de Vérone, que la République avait confisquée à ses ancêtres.

Qui aurait pu s’attendre à voir un aussi grand génie se contenter de jouer auprès de l’évêque d’Agen le rôle de médecin ? Ce fut quand il possédait cette modeste situation, à l’âge de quarante-deux ans, que, pour la première fois, l’histoire contemporaine mit en lumière Jules-César Scaliger. Quelle que soit la vérité ou la fausseté de ce que l’on raconte sur les quarante-deux premières années de sa vie, était-il du même sang que ceux à la mémoire desquels ont été élevés les plus beaux monuments du moyen âge, ou, comme ses ennemis le disaient, était-il le fils de Benedetti Bordoni, maître d’école ou enlumineur à Vérone, il n’en est pas moins vrai que pendant les trente dernières années de sa vie il fit preuve d’une grande vigueur physique et intellectuelle. Irrité d’être voué à l’obscurité à laquelle le sort l’avait condamné, il saisit l’occasion que lui fournissait le Ciceronianus de se faire connaître et de s’assurer, auprès des nombreux ennemis d’Érasme du moins, une certaine faveur. Après s’être préparé les voies en écrivant quelques lettres pompeuses et violentes au recteur de l’université et aux étudiants des différents collèges de Paris, il composa, en 1529, son premier discours contre Érasme, mais ne réussit pas à le faire imprimer avant 1531. Il fut publié par les soins de Noël Béda et avec la permission spéciale de Jean Morin, lieutenant-criminel. On n’y trouve presque exclusivement que de violentes injures.

Il se sert des expressions suivantes en parlant du grand érudit : je n’en donne qu’un petit nombre — carnifex, parricida, furia, canicula, calumniator. Il l’accuse de folie, d’arrogance, de haine, de mensonge, d’ivrognerie, de canina impudentia. Cependant dans les lettres que Scaliger adresse à Le Ferron il fait pâlir ces fleurs de rhétorique. Érasme y est traité de omnium ordinum labes, omnium studiorum macula, omnium atatum venenum, mendaciorum parens, conviciorum