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ÉTIENNE DOLET

personnages pour les qualités physiques comme pour les qualités intellectuelles.

À soixante-deux ans, ayant presque perdu l’usage de ses mains, il remit en place une énorme poutre que quatre hommes de taille ordinaire n’avaient pas pu remuer. Un grand nombre de faits analogues, dans lesquels nous ne savons pas ce qu’il faut admirer le plus de sa force ou de son agilité, nous portent à croire que ce fut par un sentiment de modestie excessive qu’il se compara à Masinissa. Hercule aurait donné une plus juste idée de cet homme. Ses prouesses militaires égalaient son savoir. Il ne s’était pas fait moins remarquer par sa bravoure comme simple soldat que par son habileté comme général, et s’il n’avait pas toujours été heureux, il ne fallait pas s’en prendre à son manque de courage ou à son ignorance de la stratégie, mais aux caprices de la fortune. A la bataille de Ravenne il avait fait des prodiges de valeur aux côtés et sous les yeux de l’empereur Maximilien ; il avait repris aux Français les cadavres de son père et de son frère Titus, ainsi que l’aigle que portait ce dernier et qu’il rendit à son cousin impérial. Maximilien ne pouvait pas faire moins que de réserver à son parent les plus hauts honneurs de la chevalerie ; de ses propres mains l’empereur lui remit le collier, les éperons et l’aigle d’or de la même manière que ses ancêtres Alboin, Can Grande et Mastino les avait reçus des mains des empereurs Henri VII et Louis V. Et cependant, n’était la lettre dans laquelle ces détails sont relatés, nous aurions dit qu’il était prouvé, autant qu’un fait historique peut l’être, que Maximilien n’était pas présent à la bataille de Ravenne et que ses cinq mille lansquenets y combattirent aux côtés de Gaston de Foix et contribuèrent grandement à donner la victoire aux Français. Mais les hauts faits d’armes de l’homme étaient éclipsés par son génie littéraire. Il n’y avait pas de branches de la littérature ou des sciences qu’il n’avait étudiées à fond. Pendant un certain temps il avait résolu d’entrer dans les ordres, espérant qu’un jour ou l’autre