Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
162
ÉTIENNE DOLET

Émile Ferret et Jean Second y vinrent à diverses reprises ; Budé, le plus célèbre de tous, a dû s’arrêter au moins deux fois à Lyon, encore que je ne puisse trouver aucun renseignement détaillé sur ses visites. Il se peut que les hommes les plus intelligents de l’époque résidassent toujours à Paris et ne fissent à Lyon que des séjours temporaires. Les Estienne, Marot, et peut-être même Théodore de Bèze, désiraient ne jamais quitter Paris, et seules les amères persécutions qu’ils eurent à subir de la part des ennemis de toute science, de toute littérature et de toute lumière les poussèrent à chercher asile dans les républiques plus libres de Genève et de Berne, ou dans les montagnes du Piémont. Néanmoins à Lyon la liberté intellectuelle était plus grande qu’à Paris. On y sentait moins l’action sinistre de la Cour et de la Sorbonne. Le cardinal de Tournon, tout bigot qu’il était, semble avoir laissé à la capitale du Midi, dont il fut d’abord le gouverneur et ensuite l’archevêque, plus de liberté qu’il n’en accordait à la royale cité que visaient ses espérances et son ambition ; ses lieutenants, les Trivulce et Jean de Peyrat, se montraient très sympathiques au progrès intellectuel , et employaient toute leur influence (bien que parfois inutilement) à protéger les lettres et leurs adeptes contre les attaques de la bigoterie ecclésiastique. De plus une société, qui comptait parmi ses membres Rabelais, Marot, Des Périers, Dolet, Scève, Macrin, Champier et Aneau, devait jouir d’une liberté de relations intellectuelles qui manquait à la grande capitale si jalousement surveillée par la Sorbonne et par le Parlement, où chaque mot qui pouvait favoriser la liberté intellectuelle ou religieuse était immédiatement saisi au vol, et attirait sur celui qui l’avait prononcé la censure (sinon pis) de l’une de ces vénérables assemblées.

Si nous devons ajouter foi à l’assertion du père de Colonia [1] — elle a été souvent reproduite — c’est à Lyon que

  1. Hist. Litt. de Lyon, vol. III, p. 466 et suiv.