Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/178

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
ÉTIENNE DOLET

encore qu’ingénieux, disait qu’il avait le pouvoir d’apprendre le latin et le grec à un ignorant en l’espace de trois mois.

Deux odes écrites contre Camillo se trouvent dans les poèmes de Dolet, l’une de ces pièces est datée de l’époque qui nous occupe et fut envoyée en manuscrit à François de Langeac, frère de l’évêque de Limoges, accompagnée des remarques suivantes : «Je vous envoie une ode, dont voici le sujet : un nouveau maître d’éloquence est sorti du royaume des ombres ; un individu ignorant et sans éducation a fondu sur nous d’Italie, il ne sait pas le latin, il n’a aucune culture littéraire ; comme il n’a pas réussi à s’imposer, il n’a pas trouvé de meilleur moyen pour arriver à son but que de se faire de l’argent en promettant aux gens de leur enseigner en moins d’un mois le latin, l’art oratoire et l’art de faire des vers — choses inouïes, dignes seulement d’une moquerie perpétuelle ; si vous êtes ce que vous avez toujours été, vous avouerez que son système apprend à devenir fou au moyen de règles. Toutefois (car on prend facilement les Français avec des mots) il a bel et bien escroqué[1] de l’argent au roi, lui promettant certains commentaires au moyen desquels, même contre notre volonté ou quand nous sommes endormis, il peut nous infiltrer toute science. J’ai presque honte de m’être si longuement moqué de pareilles vétilles. Je tiens à avoir votre avis sur tout cela. Je connais beaucoup de gens en France dont le talent et le mérite feront, j’espère, comprendre aux Italiens que l’éloquence et la réputation littéraire (monopole qu’ils s’arrogent) ne sont pas inconnues aux Français ; ils cesseront alors de nous traiter d’enfants au maillot et de dire que, ayant négligé l’étude de la littérature, nous sommes plus que les autres amollis et plus aptes à nous énerver[2]

  1. Il est curieux de noter que, dans ce passage comme dans l’ode qui suit, Dolet, en parlant de Camillo, emploie le même mot qu’Alciat dans une lettre à Franciscus Calvus, imprimée dans les Gudii Epistolæ curante Burmanno, pt. I, p. 109. Dolet dit : Regem tamen nummis pulchre emunxît ; et Alciat (Régem) emunxit sexcentos aureos.
  2. Orat. duœ, p. 97.