Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
150
ÉTIENNE DOLET

Accursius et Bartholus, dans la crainte de paraître en savoir trop peu. Je tâcherai d’entrer dans les bonnes grâces de quelqu’un avec qui je pourrai me moquer de tout cela doctement et familièrement.

«J’espère bientôt faire un voyage à Paris et vous y rencontrer. Si auparavant vous voulez bien m’écrire une lettre, qui me trouvera en route, pour me donner des nouvelles de votre santé et de Paris, je saurai que vous ne m’oubliez pas et vous y gagnerez que lorsque j’irai vous voir, vous n’aurez pas à me raconter ce que vous m’aurez déjà écrit. Adieu. Toulouse, 22 avril[1]

L’Italien dont il est question dans les lettres de Bording et de Dolet était l’habile, docte et excentrique charlatan Giulio Camillo de Forli, dit Delminio, du lieu de naissance de son père. Philosophe, orateur, poète, philologue, versé dans la mythologie, dans l’astrologie, dans les sciences cabalistiques, possédant un fonds de connaissances réelles, mais un plus grand fonds de connaissances prétendues, il avait conçu l’idée extraordinaire et impraticable d’un nombre de catégories qui devaient embrasser toutes les divisions et toutes les subdivisions de l’intelligence et de la pensée humaines. Il proposait d’arranger toutes ces catégories dans de petits tiroirs ou niches renfermés dans une grande boîte en forme d’amphithéâtre, où les signes des planètes marquaient les divisions premières de l’esprit. Chaque tiroir portait sur une étiquette quelque qualité intellectuelle, et si l’on changeait ces étiquettes, la théorie pouvait s’appliquer à toutes les sciences. A l’aide de ce théâtre un ignorant devait se rendre maître de n’importe quelle langue ou de n’importe quelle branche des sciences en un temps extraordinairement court. Ce système était toutefois spécialement adapté à l’étude du latin et du grec, et offrait surtout à l’étudiant un moyen d’acquérir l’art de la

  1. Orat. duæ, p. 103.