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CHAP. VIII. — GUILLAUME BUDÉ ET JACQUES BORDING

« Vous devez savoir tout d’abord que rien ne m’est plus agréable quand je reste chez moi, partageant mon temps entre la lecture et la composition littéraire, que d’écrire des lettres. Aussi ceux qui connaissent mes habitudes et qui attendent des réponses se gardent de me faire des reproches si je ne remplis pas mon devoir surtout maintenant à mon âge, et étant données les lourdes charges officielles qui m’incombent[1]. Et même si je mets de côté mes charges officielles, croyez-vous qu’il me reste beaucoup de loisirs pour m’occuper de ma correspondance personnelle ? De plus, les lettres, étant par elles-mêmes un passe-temps agréable, doivent être écrites avec un certain sentiment juvénile et une certaine vivacité de style. Et ai-je besoin d’ajouter que je ne suis plus ce que j’étais ? Ainsi, afin de ne pas abandonner complètement la philologie, qui depuis si longtemps est ma compagne, mon amie et ma maîtresse, j’ai été obligé de rompre les chaînes d’un amour aussi dévorant et de ne plus me laisser aller à une intimité qui devait porter préjudice à ma constitution.

« Ce que vous dites si gracieusement et si ingénieusement dans votre lettre élégante et bien tournée sur l’estime et le respect que je vous inspire a été reçu par moi avec le plus grand plaisir, comme c’était justice, du reste ; et je vous prie de croire que moi aussi je suis animé du désir d’entretenir des relations courtoises avec vous et de vous montrer la même bienveillance et la même amitié ; soyez certain que ce ne sont pas là paroles oiseuses. Mais encore que par votre lettre j’aie pu en une certaine mesure juger de votre savoir, je ne sais rien de vous, de votre façon de vivre et de votre situation. Ce que vous désirez si ardemment, — être compté au nombre de mes amis, — vous est accordé, la présente lettre en fait foi.

« Paris, 24 janvier[2].

  1. Budé était maître des requêtes.
  2. Orat. dux p. 107