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CHAP. VIII. — GUILLAUME BUDÉ ET JACQUES BORDING

«Pour vous complaire, je vais maintenant vous parler tout familièrement de mes affaires, des professeurs d’éloquence et des études littéraires. La littérature, comme toujours, ne manque pas de détracteurs. Quelques-uns L’accusent d’être la source de toute erreur, et vont jusqu’à dire qu’elle empêche tout honnête homme d’être en même temps un philosophe ; plusieurs gens en place partagent cette folle opinion. On vient de restituer à Béda sa charge, mais avant même nous avions senti naître son influence. Jean Cop, avant d’avoir terminé son cours, a été obligé de fuir la ville, sans quoi il aurait eu à présenter sa défense en prison. Puis on a attaqué violemment et rudement des hommes distingués par leur vertu et leur savoir. Jusqu’ici on s’est contenté de les emprisonner. On ne les a pas encore jugés publiquement, mais nous nous attendons à tout maintenant que Béda est au pouvoir.

« Quant aux professeurs de littérature, je n’ai appris que peu de chose sur leur compte et il ne m’est pas facile de me faire une opinion sur chacun d’eux. On fonde beaucoup d’espoir sur un certain Italien que vous avez connu, je crois, en Italie. Il vient d’arriver ici dans l’intention de donner des leçons au roi. Il se fait fort d’apprendre à fond, en trois mois, le grec et le latin à un ignorant et de le mettre en état de parler et d’écrire sur n’importe quel sujet. Il fait construire ici un amphithéâtre pour indiquer les divisions des cases de la mémoire, à l’usage du roi. Il est aussi occupé à écrire un dialogue contre ses détracteurs et contre ceux qui nient ses nombreusecapacités ; dans cet écrit, il s’efforce de prouver son système. tout en cachant son jeu. A Venise, au dire de certains Italiens, on imprime en ce moment des commentaires sur la langue de Cicéron, en se fondant sur un plan qui ressemble à celui de son amphithéâtre. L’ouvrage est de Marins Nizolius, qui a concentré dans de petits nids, pour ainsi dire, tout le système de la composition latine. Si vous connaissez l’un ou l’autre de ces hommes, dites-moi dans votre prochaine lettre ce que l’on peut attendre d’eux.