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ÉTIENNE DOLET

été troublée et que vous n’eussiez jamais cessé de m’aimer comme au premier jour ; vous n’auriez pas dû croire aux paroles de certaines personnes de mauvaise foi, mais bien plutôt aux témoignages d’hommes vertueux qui savent l’amitié toute particulière que j’ai pour vous. Si vous les aviez écoutés, nous n’aurions pas eu besoin d’avoir recours à Jean de Pins pour nous réconcilier ; et j’aurais voulu m’adresser à son autorité en toute autre circonstance. Quoi qu’il en soit, rappelons-nous l’adage qui dit : Amantium iræ, amoris redintegratio est. Je suis enchanté que vous me priiez dans votre lettre de vous faire connaître quels sont les sentiments que j’éprouve pour vous. Je vous assure, mon cher Dolet, que dès que je vous ai connu, je vous ai aimé et j’ai deviné que vous me payiez de retour ; je ne me repentirai jamais de la haute opinion que vous m’avez inspirée.

« Il me reste maintenant à vous féliciter de vous être si bien acquitté de votre mandat d’orateur. Je suis persuadé que vous avez recueilli tous les éloges, tous les honneurs qu’on peut obtenir en pareille circonstance. J’aurais voulu être là, vous entendre et vous voir, mais je regretterai moins mon absence si vous tenez votre promesse et si vous me donnez le moyen de lire votre discours ; aussi n’oubliez pas que j’attends anxieusement votre envoi, et tâchez de ne pas me manquer de parole, ni de tromper mon attente.

« J’ai donné votre lettre à Budé. Il l’a lue avec plaisir et a tenu à savoir où vous étiez, ce que vous faisiez et quels étaient vos amis. Lorsque je lui ai demandé s’il désirait que je vous disse quelque chose de sa part, il m’a fait savoir qu’il répondrait lui-même à votre lettre ; et il m’a répété encore la même chose dans une autre entrevue que j’ai eue avec lui. Il m’a laissé entendre toutefois qu’il était plus occupé que jamais, qu’il se sentait peu disposé à écrire des lettres, et que, du reste, il n’y avait pas à se presser. Je me charge de lui rappeler de vous écrire et de l’y engager, afin que vous ne croyiez pas avoir fait une démarche inutile.