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ÉTIENNE DOLET

Pins m’a dit que vous lui aviez écrit dans ce sens, et il m’a supplié, quels que soient les dissentiments qui ont existé entre nous, de les oublier pour lui être agréable et, si je ne pouvais le faire de mon propre mouvement, d’agir ainsi dans l’intérêt des lettres… Je le veux bien. Certaines observations injustes que vous avez faites sur mon compte m’ont blessé et peiné… Mais aujourd’hui que je suis disposé à croire que vos paroles ont été dénaturées ou à n’y pas faire attention, mes sentiments, qui tout d’abord étaient fort irrités, se sont calmés et toute l’animosité que vos attaques m’avaient inspirée a disparu. Aussi, afin de faire voir à tout le monde que je suis réconcilié avec vous, je vous envoie cette lettre… Mais prenons maintenant le ton familier qui convient aux amis. Je vais vous parler de ce qui se passe ici.

« On a toujours, à Toulouse, la même haine des lettres et le même amour des sottises. Pour ne pas être ennuyeux, je vous dirai en deux mots que les sots y sont toujours aussi nombreux et qu’ils n’ont pas changé. Mais je cesse de dire du mal, ou plutôt de dire la vérité, de peur qu’on me vienne accuser d’avoir un trop franc parler. Je m’occupe exclusivement de littérature et je jouis d’une excellente santé. J’aime mieux ne pas vous dire moi-même si j’ai réussi à augmenter ma réputation en accomplissant mes devoirs d’orateur (j’ai dû cette charge, vous le savez, aux suffrages des Français), je préfère que d’autres que moi vous l’apprennent. Je puis toutefois vous faire savoir que personne avant moi n’avait parlé à Toulouse avec autant de liberté. J’ai combattu les décisions prises par le parlement contre l’association française dans un discours qui est aussi brillant que sévère. Je vous copierai bientôt ma harangue et je vous l’enverrai par la première occasion. Vous pouvez sans nul doute attendre cela de votre ami. Je dois encore ajouter que, mon temps de service étant expiré, j’ai été remplacé par Thomasin dont le talent d’écrivain et d’orateur vous est, je crois, bien connu. Vous saurez bientôt jusqu’à quel point il réussira.