Page:Christie - Étienne Dolet, trad. Stryienski, 1886.djvu/162

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
ÉTIENNE DOLET

ralité des Français croyaient que sa réputation était égale à celle d’Érasme ; ils étaient outrés contre ce grand érudit parce que, dans son Ciceronianus, il l’avait mis au même rang que Josse Bade[1]; mais bien que Budé pût être placé à côté d’Érasme et même au-dessus de lui pour son érudition grecque et encore pour la connaissance technique qu’il avait de la langue et de l’antiquité latine, il n’était après tout que fort instruit et n’avait nullement la vaste intelligence de l’auteur des Colloques et de l’Éloge de la Folie, lequel n’était pas seulement un érudit, mais un homme de génie, un réformateur social, politique et religieux, bien plus absorbé par les hommes et les choses que par les mots et les phrases.

En 1533 Budé avait soixante-six ans. Ses épîtres grecques n’auraient pu être écrites par aucun autre Français de son temps ; ses annotations sur les Pandectes étaient reconnues en France comme le premier livre à consulter sur le droit romain ; son traité : De Asse et partibus ejus, publié tout d’abord en 1514, avait atteint déjà plus de dix éditions ; cet ouvrage avait répandu le nom de son auteur dans toute l’Europe, il était aussi populaire et montrait une érudition aussi solide que les Adages d’Érasme, mais il est évident qu’on n’y trouvait pas ce jeu d’imagination, ces exemples heureux et ces réflexions politiques et morales qui ont pu conserver aux Adages une sorte de popularité même dans notre siècle.

Avoir l’amitié et l’approbation de Budé était pour tout jeune savant français une juste ambition, et Dolet, suivant la mode de l’époque, tout en ne connaissant point Budé personnellement, lui adressa une épitre latine très étudiée, dans laquelle il se recommande à sa bienveillance et, en même temps, sollicite les bons offices de Jacques Bording, qui était

  1. Érasme a expliqué ensuite, et c’est une chose évidente pour quiconque lit l’ouvrage mentionné, que c’est seulement au point de vue du style latin qu’il place ensemble Budé et Bade ; mais il n’est pas improbable qu’Érasme prit un malin plaisir, quelle qu’ait été son intention, de mettre son rival au même rang que cet imprimeur distingué et érudit.