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CHAP. VII. — L’ORATEUR

tôt. D’autres amis de Dolet, et particulièrement Jean de Boyssone, lui témoignèrent leur sympathie et lui prêtèrent secours. Dès que Boyssone apprit qu’il était en prison, il lui écrivit une lettre affectueuse dans laquelle il lui donnait d’excellents conseils ; il assurait à Dolet qu’il ferait tout son possible pour arriver à le sortir de peine et qu’il voulait savoir ce que le malheureux prisonnier désirait et quelles démarches il y avait à tenter. Dolet répondit à cette lettre de sa prison ; voici ce qu’il dit à son ami :

« C’est particulièrement le sort des hommes de lettres d’être plus exposés à la malveillance que les autres, et d’être injustement l’objet des vexations. Je subis le châtiment que me vaut ma plume, et n’est-ce pas ridicule que mes malheurs soient causés par la chose même dont j’attendais une récompense ? Mais personnellement je ne me sens pas alarmé. Cette mauvaise fortune, je la partage avec bien d’autres, et je ne suis pas très étonné ni très troublé de voir que ce qui arrive à tant d’hommes de lettres m’arrive à moi aussi. Cette pensée allège le chagrin que me cause ma situation présente. Et, de plus, les nombreuses marques d’amitié dont j’ai été l’objet m’ont fait du bien et m’ont redonné du courage. Car, de même qu’auparavant un grand nombre de gens m’ont protégé à mon insu, aujourd’hui, dans mon malheur, j’ai eu des preuves indubitables du désir que toutes ces personnes ont de savoir que Dolet soit mis à l’abri de toute atteinte. Mais vous comprendrez facilement combien j’ai retiré de consolations du sentiment que j’ai de mon innocence et combien le commerce des muses m’a soulagé dans mon malheur, quoique je garde le silence sur ce point. Je puis affirmer une chose toutefois, c’est que, s’il y avait eu quelque désir de protéger la science, et d’agir avec justice dans le cœur de ceux qui auraient dû être animés de ces deux sentiments, je n’aurais pas été molesté.

« J’estime à sa juste valeur l’extrême bienveillance que vous me témoignez, et je vous supplie instamment de me la conserver toujours ; et moi qui ai été libre de tout lien, je me