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CHAP. VII. — L’ORATEUR

pendant longtemps à être un ouvrage faisant autorité. « Ses commentaires sur les lois de sa province natale, dit de Thou, sont dignes d’un bon patriote et d’un excellent jurisconsulte. » Pendant les vingt-sept années qui suivirent il ne cessa pas d’être l’un des principaux ornements du parlement de Bordeaux, quoique, jusqu’à sa mort, il restât simple conseiller. Encore que son génie et ses mérites littéraires pâlissent à Côté de ceux de ses illustres collègues La Boëtie et Montaigne, il n’en est pas moins le seul des membres du parlement de Bordeaux qui, au seizième siècle, se soit fait une réputation de juriste. Mais il ne doit pas son grand renom fort mérité à ce titre seulement, comme juge il se lit remarquer par son intégrité, par son impartialité et par son amour de la justice ; et tout en s’occupant des questions d’hérésie et des accusations portées contre les hommes de lettres déclarés suspects, il se montra toujours très tolérant, très clément, il ne permit jamais à ses affections ou à sympathies personnelles de peser dans la balance du droit ou de la justice. Il n’était avec personne aussi intime qu’avec Jules-César Scaliger, et il n’admirait personne autant que lui. Ce fut peut-être parce qu’il était né à Vérone (ou qu’il était le fils d’un Véronais) que, le premier, il s’attira la bienveillance du descendant de Can Grande. Et il n’est pas improbable que Scaliger et Jean Le Ferron se soient connus de bonne heure. Avant d’avoir vingt et un ans, Arnoul était devenu l’Atticus du Cicéron d’Agen ; les lettres de Scaliger écrites à son jeune ami — quelques-unes sont même datées de 1535 — montrent que le grand érudit le traitait à tous égards comme son égal, et le ton de ces épîtres pourrait taire supposer qu’elles étaient adressées à un homme d’un grand savoir, d’un âge mûr, occupant une éminente situation. En 1538 Scaliger fut soupçonné d’hérésie : il avait choisi pour être le précepteur de son fils, Philibert Sarrazin, hérétique reconnu ; de plus, on avait trouvé en sa possession des livres compromettants, et il était accusé d’avoir dit que le