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CHAP. VII. — L’ORATEUR

(elle n’en a jamais fait preuve), a satisfait son insatiable cruauté en le torturant et en le mettant à mort. Son esprit et yeux se sont repus de ses souffrances et de sa mort. S’enorgueillissant d’une façon déraisonnable et absurde d’avoir agi en toute justice, et d’avoir maintenu hautement la dignité de la religion, elle n’en a pas moins commis un acte absolument injuste. Elle a poursuivi si sévèrement et si cruellement ceux qui étaient soupçonnés de quelque erreur légère, ou qui étaient faussement accusés de crime ou d’hérésie, que malheureux ont été poussés par la question à renier complètement le Christ, au lieu d’être amenés par la douceur à se repentir. En somme, tous ceux qui envisageront ces choses avec droiture en arriveront à déclarer qu’à Toulouse, plus que partout ailleurs, le droit et la justice se taisent, tandis que la violence, la haine et la négation de la justice parlent bien haut. Et comme cette ville a la prétention ridicule d’être réputée pour avoir des croyances saines et fidèles, et demande à être considérée comme la lumière et l’ornement de la religion chrétienne, voyons, en passant, jusqu’à quel point ses prétentions sont fondées… J’en appelle a votre propre témoignage, et je suis certain que vous conviendrez sans peine avec moi que Toulouse en est encore aux plus informes rudiments du culte chrétien, et qu’elle est adonnée à des superstitions dignes des Turcs seulement ; car est-ce autre chose que cette cérémonie qui a lieu chaque année à la fête de saint Georges, alors qu’on fait entrer des chevaux dans l’église Saint-Étienne, qu’ils en font neuf fois le tour pendant qu’on officie solennellement afin d’obtenir des grâces pour eux ? Est-ce autre chose que cette cérémonie qui consiste à jeter une croix dans la Garonne, en un jour désigné, comme si l’on voulait se rendre propices un Éridan, un Danube, un Nil ou même le vénérable père Océan, et à demander aux eaux de la rivière de suivre un cours calme et régulier pour que ses bords ne soient pas inondés. Est-ce autre chose que de la superstition que de faire promener par des enfants les troncs pourris de certaines