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CHAP. V. — J. DE CATURCE ET J. DE BOYSSONNE.

Nous ne savons pas au juste si sa condamnation lui infligeait l’exil, ou s’il jugea convenable de se retirer pour quelque temps. Toujours est-il qu’immédiatement après son abjuration il quitta Toulouse ; son absence dura environ une année ; il visita l’Italie qui, à cette époque, plus libérale que la France, lui offrait, ainsi qu’à bien d’autres, un asile hospitalier. Il se rendit d’abord à Padoue, qui comme au temps où Dolet y étudiait, était encore la ville d’Europe où l’on jouissait de la plus grande liberté intellectuelle et où les plus éminents humanistes se donnaient rendez-vous. Boyssone y trouva plusieurs de ses compatriotes, les uns étaient étudiants, les autres professeurs. Arnoul du Ferrier, avec lequel il conserva toujours des rapports d’amitié et qui allait devenir un des juristes français les plus célèbres de son temps, continuait à Padoue les études qu’il avait commencées à Toulouse et faisait déjà prévoir le brillant avenir qui lui était réservé. Paul Daffis se trouvait là aussi ; c’était un Toulousain qui se préparait à faire vivre la tradition cicéronienne, que Longueuil et Simon Villanovanus avaient implantée à Padoue. Boyssone se lia également dans cette ville avec Lazare Buonamici, l’ami de Pole, mais lequel, ne suivant point l’exemple de ce dernier, n’avait pas déserté la cause de la littérature pour celle de la théologie. À Venise, il eut des rapports d’amitié avec Battista Egnazio, l’ancien maître de Dolet, et avec une autre personne que ce dernier avait vue, avec Giulio Camillo, pour lequel Dolet professait une aversion très vive, sans que nous sachions si c’était parce qu’il avait deviné le charlatan visionnaire, ou parce qu’il avait à se plaindre de lui personnellement. Plus heureux que Dolet, Boyssone ne voyagea pas seulement dans le nord de l’Italie. Il lui fut donné de visiter la capitale de la chrétienté ; niais au lieu d’être transporté par les restes et les souvenirs de l’antiquité, ou par les merveilles artistiques et littéraires qui l’entouraient, il fut, comme Luther, choqué du luxe, du vice. de l’impiété qu’étalaient le pape, les cardinaux, les évêques qui, par eux, pénétraient dans toutes les classes de la société.