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CHRISTIAN FREDERIKS DAGBOK 1814.


9 Novbr.

plus remarquable que j'avais porté ce mouchoir (d'indienne jaune tachetée) autour de mon cou, non seulement en revenant de Norvège, mais aussi en y allant dans une petite barque déguisé comme matelot le 20 au 21 Mai 1813 — bien certainement elle le gardera comme une chose bien précieuse pour elle et dans le tems pour ses enfants — Ce sont les événements qui rendent des bagatelles intéressantes. —

Ce jour me fut encore plus intéressant par rapport à un éclaircissement que je recherchais depuis longtems mais qui ne s'était jamais avant ce jour là présenté à moi sous des formes intelligibles. —

Le fait est ce qui suit : L’année 1803 lorsque j'étois avec feu mon Père chez le célèbre Ove Hoegh Guldberg, celui-ci qui s’intéressait infiniment à moi et à mon éducation me dit un jour dans sa bibliothèque, que la nuit de ma naissance son Epouse avait eu un rêve singulier. Elle rêva que le Prince mon Père avait envoyé demander à Guldberg ce qu’il devait appeler le fils qui lui étoit né, sur quoi un Ange étoit apparu à Elle et avait nommé le nom de l’enfant dans la langue persane avec l'ordre de dire ce nom à son Epoux. — Le vieux Guldberg me dit qu’il avait d'abord compris le nom, mais sur mes instances d'être instruit de ce qu’il voulait dire il me promit de me le divulguer avec le tems. Cependant Guldberg mourut et je ne le fus point; mais trouvant la fille chérie de mon défunt ami, la veuve du Baron Guldencrone à Aarhuus, je n’hésitais point à lui demander le nom en question et sa signification, et j’appris d’elle que le nom perse que sa Mère avait entendu dans ce rêve et qu’elle avait conté à son Epoux signifiait: l'heureux vainqueur (den lykkelige Overvinder). J’en fus extrêmement frappé, car ou j’avais manqué, et justement peu de tems avant de l’apprendre, ma destination en ce monde, ou bien il m’est encore réservé de réparer ce que je viens de perdre et peut-être les maux de ma patrie accablée. Dieu le veuille, mais je ne me sens pas les talents ni les qualités qu’il faut à un vainqueur, peut-être, si cette voix venait du Ciel pour prognostiquer ma destinée, ne vouloit-elle dire autre chose que cet enfant ou cet Etre sera mis à de rudes épreuves et il se vaincra lui-même, ses passions, les vices de ce monde qui l’entoure et auxquels il succombera quelquefois. —

Nous sommes trop peu clairvoyants pour pénétrer dans les mystères de notre créateur, mais ce que je puis dire avec vérité, ce que