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le grand roi même: les rois Achéménides s’appellent dans leurs inscriptions khšâyathiya dahyunâm « rois des provinces ». Les chefs de tribu sont remplacés par les satrapes royaux. Le même état de choses existe dans l’Empire des Arsacides, l’organisation achéménide étant en ce point assez forte pour survivre à toutes les secousses. Au contraire, les deux degrés inférieurs du système patriarcal, qui étaient les plus solides, à savoir la famille avec son chef (mânbedh) et le clan avec son chef (vîsbedh) se maintenaient. La religion de Zarathoustra est basée sur le lien de famille et de race. Les Arsacides eux-mêmes et les hommes qui s’étaient joints à eux dès le commencement et qui formèrent plus tard la fleur et le noyau de l’Etat parthe, étaient des chefs de clan comme autrefois Darius et ses compagnons, et les chefs de clan étaient, je le répète, la classe supérieure de cette aristocratie, dont la puissance était fondée sur des propriétés foncières héréditaires. Sur ce fond, les germes d’un féodalisme, qui existaient au temps des Achéménides, atteignent leur plein développement aussitôt que l’Empire parthe s’est formé.

Les grandes maisons qui occupaient le premier rang pendant cette période, étaient — probablement sous l’influence de la tradition du temps des Achéménides — au nombre de sept[1]), dont nous en connaissons deux outre la race royale: celle de Sûrên qui avait la charge héréditaire de couronner le roi, et celle de Kârên[2]), Dans cette classe, chez les vîsbedhs, était le centre de gravité de l’Etat, ils étaient les grands vassaux qui levaient leurs sujets pour la guerre pour ou contre le grand roi, le suprême suzerain. Sûrên conduisit contre Crassus une armée de 10,000 cavaliers « qui, tous, étaient ses esclaves »[3]), ce qui veut dire, sans doute, que les paysans, à qui incombait le service militaire, étaient tombés en esclavage sous la domination des seigneurs puissants. Cependant, entre les grands vassaux et les paysans il y avait une classe intermédiaire de possesseurs d’arrière-fiefs, de petits gentilshommes, de chevaliers[4]), et c’est là probablement la classe des mânbedhs. Il y a entre cet état de choses et le régime féodal de l’Europe médiévale une ressemblance qui a souvent frappé l’historien. Et chez les Parthes, comme dans le féodalisme européen, le lien féodal était bien plus solide entre les grands vassaux et leurs sujets qu’entre le roi, le premier suzerain, et les grands vassaux. La royauté elle-même ne devient jamais entièrement féodale; elle est attachée à la

  1. Selon Eunapius (éd. Dindorf p. 222), Arsace fut mis sur le trône par sept hommes.
  2. Le Sûrên qui vainquit Crassus est bien connu; un autre grand seigneur du même nom est mentionné par Tacite an 32 ap. J.-C. (Annal. YI, 42). Un Kârên a été, en 50 ap. J.-C., un personnage important dans les guerres entre Gotarze et Meherdate (Tacite : Annal. XII, 12 sqq.). On ne sait pas, si d’autres maisons ont égalé, ou à peu près, les sept grandes races en possessions et en puissance, sans en avoir la gloire héréditaire.
  3. Plutarque: Crassus XXI. Comp. Justin XLI, 2: Exercitum non, ut aliae gentes, liberorum, sed maiorem partem servorum liabent : quorum vulgus, nulli manumittendi potestate permissa, ac per hoc omnibus servis nascentibus, in dies crescit. Hos pari ac liberos suos cura habent, et equitare et sagittare magna industria docent. Locupletissimus ut quisque est, ita plures in bello équités regi suo praebet.
  4. Les Parthes avaient rassemblé contre Antoine une armée de 15,000 hommes, dont 400 étaient des hommes libres (Justin XLI, 2).