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ces seigneurs vis-à-vis des satrapes ne nous est pas bien claire; en tout cas, ils ont joui de privilèges plus ou moins considérables, quelquefois, probablement, d’immunité, de sorte qu’ils pouvaient mettre dans leurs propres poches les impôts qu’ils prélevaient sur leurs sujets[1]).

Voilà les origines du féodalisme en Perse. Cependant le féodalisme ne s’était pas encore développé sous les Achéménides: les seigneurs ne levaient pas leurs sujets pour la guerre, la Perse ayant alors une vraie armée royale. En outre, l’unité de l’Empire était conservée pendant toute la période par le système d’administration centralisée, par les satrapes qui gouvernaient les provinces au nom du roi, et par le système de contrôle qui permettait au roi de s’assurer toujours de l’obéissance des satrapes.

Alexandre et les Séleucides, héritiers politiques des Achéménides, laissaient subsister les institutions du grand Darius, dans tout ce qu’elles avaient d’essentiel.

Les traditions politiques du temps des Achéménides ne sont pas abandonnées non plus, quand les Arsacides, avec l’assistance d’un groupe de chefs parthes, ou peut-être dahiens (scythes), et de leur levée de guerriers, créent, par la conquête, un nouvel Empire iranien. Pourtant cet Empire des Parthes a son empreinte spéciale: c’est que par les Arsacides la suprématie est transportée de l’ouest aux contrées du nord qui ont gardé avec plus de pureté le caractère iranien. Ainsi le royaume parthe est, malgré son vernis hellénique, réellement plus iranien que celui des Achéménides. Pendant environ deux siècles, les rois arsacides avaient leur résidence à Hécatompylos, avant que l’évolution historique les forçât à la transporter à Ctésiphon aux bords du Tigre[2]).

Avec cette prédominance des Iraniens septentrionaux l’ancien régime patriarcal reprend vigueur. La notion de la filiation généalogique de la société s’est conservée pendant bien des siècles, même après la chute de l’Empire des Sassanides, dans la communauté zarathoustrienne. Dans le livre pehlvi Šâyast Nê-šâyast[3]), les quatre « commandements » sont nommés: celui du chef de maison, celui du chef de village, celui du chef de tribu et celui du chef de province. Dans les fragments de textes manichéens récemment retrouvés, on rencontre également ce classement ancien, mais transporté sur le monde des êtres célestes[4]). En réalité, les deux derniers et plus hauts de ces « commandements » avaient disparu depuis longtemps, l’Etat s’étant chargé de leur rôle. Dès les plus anciens temps, le chef de tribu et le chef de province avaient existé comme des éléments nécessaires du système, mais avec une autorité mal définie et très variable, ne s’élevant que par exception à une place dominante vis-à-vis de l’autorité locale concentrée dans les mains des chefs des clans. A la formation de l’Empire, la place du chef de province est prise par

  1. Gomp. E. Meyer : Gesch. d. Alterthums UI pp. 61—62.
  2. Quand Ctésiphon fût devenu la résidence principale des rois arsacides, Ecbatane fut généralement leur résidence d’été, comme elle avait été celle des Achéménides.
  3. West: Pahlavi Texts I (S. B. E. V), Šâyast Nê-šâyast XIII, 10; comp. XIII, 44.
  4. Mânhedh vîsbedh, zandbedh, dahîbedh. F. W. K. Mûller: Handschriften-Reste aus Turfan pp. 18 et 24.